Patrice Ferri : Quand l’Impact vaut mieux que la Ligue 2

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Au fil de ses 25 ans d’histoire, l’Impact a embauché plusieurs joueurs de qualité provenant de l’étranger. Le Français Patrice Ferri a été de la première cuvée du genre, lors des deux premières années d’existence du club montréalais, lui qui a connu une carrière de plus d’une décennie en Ligue 1 de France, principalement avec l’AS Saint-Étienne.

Il allait avoir ses 30 ans et venait de disputer une saison à l’Olympique lyonnais, club de sa ville de naissance, lorsqu’il s’est amené à Montréal pour lancer l’aventure dans l’APSL, alors le meilleur niveau de foot en Amérique du Nord. Il a disputé deux saisons avec l’Impact, en 1993 et 1994, remportant ainsi le championnat aux côtés des John Limniatis, Nick De Santis, Patrick Diotte, Rudy Doliscat, Marco Rizi et compagnie. Devenant aussi du même coup une figure de proue du club et un homme apprécié de tous.

Quelques jours après son passage à Montréal pour célébrer les 25 ans du club et quelques heures avant qu’il quitte en direction de la Russie, où il fait partie de l’équipe des commentateurs de beIN Sports à l’occasion de la Coupe du monde, Ferri a accordé une longue entrevue téléphonique à Rétrosoccer, dont vous trouverez ici des morceaux choisis.

RETROSOCCER : La MLS attire maintenant des joueurs de haut niveau. Mais à l’époque où tu as décidé de traverser l’Atlantique, un tel choix n’était vraiment pas évident. Pourquoi voulais-tu vivre cette aventure avec l’Impact?

PATRICE FERRI : J’avais eu des prédécesseurs, comme l’international français Jean-François Larios, qui était venu jouer quelques années avant (avec le Manic). Je savais donc qu’il y avait un intérêt (pour le foot) au Québec. Et puis, j’avais fait ce que j’avais à faire en France, je me disais qu’il fallait que je trouve quelque chose qui m’intéresse, qui me stimule. Quand cette proposition s’est mise en place, je trouvais que ça correspondait bien à ce que j’avais en tête à ce moment-là.

RS : Le premier contact en personne s’est fait en Italie, pendant que l’Impact y tenait une partie de son camp d’entraînement…

PF : C’est ça. J’étais avec Lyon à l’époque et on avait joué à Monaco la veille, j’avais demandé aux entraîneurs de Lyon – Raymond Domenech et Guy Stephan à l’époque – si je pouvais profiter de cette opportunité (pour aller en Italie). C’était plus simple que d’aller à Montréal. Ils faisaient un match et j’ai fait une mi-temps. C’est là que ç’a continué de me convaincre parce que sportivement, je les avais trouvés très bons – à leur niveau bien entendu, mais j’avais vu des garçons motivés, qui connaissaient le football, qui s’y intéressaient énormément. J’avais été agréablement surpris.

RS : Ça se comparait à quel niveau en France?

PF : J’ai toujours dit qu’à l’époque, on aurait été dans les cinq premiers de Ligue 2, ce qui était déjà très bien. Donc, plutôt que d’aller poursuivre ma carrière en Ligue 2 en France, je me disais que c’était beaucoup plus motivant de me retrouver dans cette aventure avec l’Impact.

RS : Tes souvenirs de tes premières journées à Montréal?

PF : Ce qui m’a énormément surpris, c’est le fait que les gens parlaient plusieurs langues. Dans l’équipe, ça parlait anglais, québécois, italien… Et ça leur était tellement naturel. Pour moi, ça ne l’était pas, ça me demandait beaucoup d’énergie. Les deux ou trois premiers soirs, j’étais si fatigué qu’à 21 h, je dormais.

RS : Eddie Firmani a dirigé de grands joueurs avec le Cosmos de New York, notamment Pelé. Il était comment lorsqu’il était à la barre de l’Impact en 1993?

PF : Je pense qu’il a essayé de nous diriger un peu comme si on était déjà une équipe et des joueurs d’un niveau supérieur. C’est un peu ça qui coinçait. Il avait peut-être l’impression d’avoir déjà des joueurs qui étaient tous très confirmés, qui n’avaient pas besoin qu’on les accompagne, alors qu’on en avait besoin.

RS : Un jeune entraîneur, Valerio Gazzola, a pris la relève quand Firmani a quitté tout juste avant la saison 1994. Valerio, lui, comment l’as-tu trouvé?

PF : L’avantage qu’il avait, c’est qu’il avait une envie et une faim de loup. C’est un total passionné. Il nous a amené toute cette énergie et il était beaucoup plus à l’écoute des besoins des joueurs. Il avait cette terrible envie de transmettre, de faire comprendre qu’il fallait se considérer comme des vrais professionnels de football.

RS : Les débuts de l’Impact, c’est beaucoup l’histoire d’un noyau de joueurs québécois qui a grandi avec le club, puis qui a passé le flambeau aux générations suivantes. Ta vision des choses à cet égard?

PF : Ce sont des garçons qui avaient envie de jouer les uns pour les autres. Ce noyau-là a donné l’identité du club, c’est-à-dire un club canadien mais aussi du Québec, avec une représentation de tout ce qu’est ce pays – plusieurs nationalités, plusieurs langues.

RS : En même temps, l’Impact comptait quelques joueurs aguerris comme toi, Enzo Concina, Jean Harbor… Quel a été votre apport?

PF : Il y avait Nick Dasovic aussi. Mon apport, il était d’essayer de faire progresser sur la lecture du jeu, sur le sens tactique des choses. C’étaient des garçons qui étaient plein de bonne volonté, mais qui parfois se dispersaient un peu par rapport au jeu. Ils m’autorisaient à leur parler et à leur donner des conseils parce qu’ils sentaient que j’étais aussi impliqué qu’eux.

RS : Comment s’est terminé ton séjour avec l’Impact ? Une troisième saison a été envisagée?

PF : Ce qui m’avait été proposé, c’était plus ou moins d’intégrer le staff de l’équipe. J’ai longtemps hésité, mais je ne l’ai pas fait parce que je ressentais encore l’envie de jouer. J’avais 31 ans.

RS : Le club ne te voulait plus comme joueur?

PF : Je pense qu’ils auraient été d’accord que je reste une saison de plus. Mais comme on avait gagné le championnat, c’était le bon moment d’arrêter sur une superbe saison, sur une histoire incroyable – on rentre dans ce championnat et la deuxième année, on le gagne… c’était extra.

RS : Tu veux ajouter quelque chose pour conclure?

PF : Que je suis très heureux de garder cette relation avec le club. C’est quelque chose qui compte pour moi et qui est très important.