Philadelphie-Montréal : Trois constats sur l’Impact

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« Les miracles véritables, qu’ils font peu de bruit! » – Antoine de Saint-Exupéry, dans Lettre à un otage (1943).

Effectivement, on ne peut pas prétendre qu’on parlera dans vingt ans de ce match à Philadelphie à nos petits-enfants, en leur expliquant que l’improbable sauveur héroïque du CF Montréal ce soir-là fut Samuel Piette. Les jeunes ne prendront pas non plus leur ballon pour aller recréer dans la ruelle l’exploit du jour. Et franchement, on ne se repassera pas non plus la bobine numérique des faits saillants pour revivre le moment. Pourtant, miracle véritable il y a eu : le soldat Impact, que l’on croyait mortellement blessé, criblé de balles, un bras en moins, s’est relevé et a stoppé l’ennemi. Il a fallu éviter tant bien que mal quelques tirs de mortier, mais la grenade du désespoir est tombée là où il fallait : en plein dans la tranchée adverse. Si ça n’a pas été suffisant pour faire tomber l’ennemi, cela a toutefois permis au soldat Impact de battre en retraite pour aller soigner ses nombreuses blessures. Un miracle et trois constats.

1) Le flanc gauche de Montréal a pris l’eau
Tout le monde l’a vu. Enfin, si vous ne l’avez pas remarqué, c’est que vous n’avez pas vraiment regardé ce match. Ou alors que vous êtes arrivé un peu trop tôt au pub avant le coup d’envoi. Quoi qu’il en soit, factuellement, le flanc gauche montréalais s’est fait enfoncer pendant presque tout le match par l’attaque unioniste. De toute évidence, Jim Curtin et sa bande avaient désigné la paire Lassiter-Edwards comme souffre-douleurs du jour. Et avec raison. Complètement dépassé et sans soutien de la part de son coéquipier costaricain, le pauvre Raheem Edwards a eu l’air d’un chien dans un jeu de quilles tant il n’avait pas assez d’yeux et d’oreilles pour suivre tout ce qui se passait de là où il se trouvait (pas à la bonne place). Ajoutons à cela une tonne de déchets techniques quand il avait le ballon et il n’en fallait pas plus pour que Laurent Courtois envoie « The Dream » au milieu à la mi-temps, à la place de Iankov et au profit de Joaquin Sosa, qui reprenait le poste de piston gauche. Choix logique et intelligent. Seulement voilà, ça n’a pas changé grand-chose. Si Sosa a su un peu colmater la brèche défensivement, il s’est aussi rendu coupable d’une passe décisive sur le second but des locaux. Par la suite, le retour à l’égalité numérique des deux clans a rapidement fait en sorte que Sosa a été appelé à se projet un peu plus vers l’avant… ce qui a évidemment rouvert le flanc gauche montréalais, nommé boulevard Edwards en hommage au pauvre Raheem, tombé au combat.

2) La défense a bien fait
D’accord, il y a les statistiques monstres (25 tirs!) qui semblent indiquer que ça a été une soirée difficile. Oui, il y a évidemment la physionomie du match qui montre que Montréal s’est somme toute fait dominer par Philadelphie. Évidemment, il y a eu ce flanc gauche à la ramasse défensivement. Et, oui, il y a eu un autre but encaissé digne des meilleurs sketches de Benny Hill. Mais globalement, la défense (inédite?) formée de Campbell, Corbo et Alvarez a tout de même bien résisté aux assauts de l’Union. En fait, Montréal n’a pas donné grand-chose de très affolant comme occasions aux locaux, même à dix contre onze. Fondamentalement, la défense, bien ficelée, n’a pratiquement accordé que des tirs de loin pas très dangereux quand ton gardien ne s’appelle pas Breza. Bref, Montréal a offert une autre prestation défensive encourageante. Malgré les statistiques, malgré la domination, malgré le but gag qui ne fait pas rire, malgré son gardien. La plupart du temps, Montréal a résisté. Bien résisté.

3) Montréal doit apprendre à casser le jeu
S’il y a un gros point négatif à retenir de cette soirée, c’est bien cette incapacité qu’ont les Montréalais à casser le jeu pour ralentir l’adversaire. Après avoir pris les devants rapidement, on a vite vu Philadelphie se mettre en marche… et Montréal courir derrière. Or, dans un cas comme celui-là, il faut s’assurer de ralentir un maximum le jeu pour briser le rythme de l’adversaire. Pour ce faire, il faut commettre des fautes, loin du but idéalement, ralentir le jeu en possession, notamment en prenant un peu plus de temps pour jouer les balles arrêtées, et en somme, user de tous les stratagèmes du genre expliqués en détail dans le petit livre noir de la Concacaf. Malheureusement, on a plutôt vu un CF Montréal en mode passager, qui accompagnait Philadelphie dans ses déplacements au lieu de lui foutre des bâtons dans les roues. Et quand on joue comme ça, c’est souvent juste une question de temps avant qu’on encaisse (à plus forte raison quand ton gardien s’appelle Breza). D’accord, l’homme au sifflet, Ted Unkel, distribue les cartons comme l’Accueil Bonneau offre la soupe aux sans-abris, et il fallait faire attention. Mais laisser Philadelphie manœuvrer à sa guise est ce qui a éventuellement mené aux deux claques sur le nez. Et ce n’est pas de la faute de Laurent Courtois, qu’on a pu voir à l’écran faire des simagrées pour demander à son équipe de ralentir et de faire circuler la balle d’un flanc à l’autre en passant par la défense (si j’ai bien compris). Ça aurait pu aider, en effet.

C’est l’heure de la pause internationale de juin, laquelle est toujours un peu synonyme de bilan de mi-saison. Il faudra donc faire les comptes, reporter les gains et les pertes dans les bonnes colonnes et voir si on est sur la bonne voie et comment faire pour y rester ou pour la retrouver, le cas échéant. Et si le classement n’est peut-être pas à la hauteur des attentes un peu gonflées par le début de saison, il faut tout de même reconnaître que Montréal est un peu là où on l’attendait, c’est-à-dire quelque part pas trop loin de la porte d’embarquement pour les séries. Que Josef et Matias, partis aux toilettes, rejoignent le groupe, et on pourra probablement se présenter au comptoir pour présenter les billets.

Pause. Puis, retour à la maison contre le Royal Lac Salé.