Toronto-Montréal : Trois constats sur l’Impact

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On recommande toujours de ne pas parler sous le coup de l’émotion. On nous dit qu’il faut tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. J’écris ces lignes plus de 36 heures après ce qui s’est produit samedi soir à Toronto. En toute honnêteté, je pourrais tourner ma langue 12 fois de plus dans ma bouche, voire nettoyer méticuleusement mon clavier avant de l’offrir à mon voisin et d’aller en acheter un neuf à Plattsburgh, à pied, et ce ne serait pas encore suffisant. « Si on n’a rien de positif à dire, il vaut mieux ne pas parler. » Oui. Mais alors, la chronique arrêterait ici. Est-ce vraiment la solution? Je ne crois pas. Il va donc falloir faire l’exercice de décrire l’odeur du camion de déchets organiques en putréfaction abandonné en plein soleil qu’était le CF Montréal sur le terrain de son supposé ennemi samedi soir. Une équipe de merde et trois constats.

1) Ce n’est plus possible d’encaisser comme des débiles comme ça
Lors des deux dernières chroniques, on s’est bien amusés à faire des vannes sur l’arrière-pays ouzbek et les enseignements mystiques de Maladroit VII. L’heure n’est cependant plus à la rigolade. Quand on défend en regardant passer le ballon au lieu de mettre son pied (ou sa main) dessus, quand on défend si loin de l’adversaire que celui-ci ne voit même plus nos jambes à cause de la courbure de la Terre, quand on demande un salaire annuel de plus d’un demi-million, mais qu’on n’est même pas capable de contrôler une passe de 3 m (mal calibrée oui, mais il fallait s’y attendre, vu le niveau) dans la surface, un moment donné il faut prendre le temps de se regarder dans le miroir. Et accessoirement, se demander aussi si le foot, c’est notre avenir. Il y a pénurie de main-d’œuvre, on cherche des employés dans les restaurants du quartier et ce serait facile d’aller porter son CV après l’entraînement. Il faudrait vraiment y songer. Mais pas comme cuisiniers, parce que franchement, je n’ai pas envie de me faire servir de la merde.

2) Il y avait un « classico » pour une seule des deux équipes
Durant la semaine, on a pu voir des images des supporters torontois assister à l’entraînement de leur équipe afin de rappeler à leurs joueurs l’importance du match à venir contre Montréal. Il suffisait ensuite que Super Johnny, coach de vie par excellence, s’en serve pour galvaniser ses troupes. À Montréal, on a pu entendre les supporters chanter des trucs en rapport avec Toronto lors du match contre Columbus. On a aussi vu que le Collectif, après le match contre Miami, avait remis au coach une écharpe Impact pré-MLS pour lui signifier que ça fait quand même longtemps qu’on n’aime pas Toronto. Mais aussi, et c’est là la clé de l’histoire, on a vu une bonne centaine de supporters montréalais massés devant l’hôtel de l’équipe à Toronto, créer pour le départ des joueurs vers le stade un spectacle pyrotechnique incroyable, une manifestation de passion et d’émotion pure comme on en a rarement vu dans l’histoire de ce club, à plus forte raison dans une autre ville que Montréal. Malheureusement, la dernière fois qu’on a aperçu les joueurs montréalais, c’était là. Ils ne sont jamais arrivés au stade de Toronto. « Il y a eu un manque d’intensité », disait Laurent Courtois après le match. Tu trouves, Laurent? Ça manquait effectivement d’intensité. Pourquoi? Que s’est-il passé entre le moment où l’autobus dans lequel tu étais assis était entouré d’une épaisse fumée bleue et que les pétards résonnaient en plein centre-ville de Toronto et le moment où tes joueurs se sont fait enfoncer sans aucune fierté et où après 5 minutes, tout le monde avait compris que c’était fini? Après les enseignements de Maladroit VII, il y a eu la leçon de motivation de Super Johnny. On espère juste que tu as pris des notes.

3) On s’est foutu de notre gueule
Indépendamment du discours (ou non-discours) du coach, il y a lieu de souligner qu’un match est joué sur le terrain. Après, que Bonhomme Machin fraîchement débarqué du fin fond de l’Arizona ou d’une localité reculée du Brésil ne saisisse pas trop ce dont il s’agit quand il se pointe à Toronto pour une des premières fois, d’accord, on peut l’accepter. Par contre, pour des gars du cru, comme Piette ou Choinière, ou encore des Montréalais d’adoption de longue date comme Waterman, se faire passer sur le corps et n’avoir comme réaction que de lever les épaules ou de faire des gestes de bras de découragement, sans la moindre hargne ni fierté, comme si c’était San Jose ou le Forge qui venait de marquer sur une autre connerie intemporelle visible depuis la Lune, là, ça ne passe pas. Là, après ce non-match à Toronto, après les efforts déployés par les supporters qui se sont rendus sur place et qui n’ont reçu que cette merde-là en retour, une profonde, très profonde remise en question est nécessaire. À tous les niveaux. Celle-ci devrait évidemment forcer une réflexion sur les joueurs choisis pour amorcer un match, mais aussi aller jusqu’à remettre en question sur comment devrait se comporter celui qui porte le brassard de capitaine, qui qu’il soit. Et ce serait aussi le temps pour le coach de cesser de surprotéger ses joueurs. Tu ne peux pas être aussi mou à Toronto. Jamais. Encore moins quand autant de gens ont pris leur samedi pour aller te soutenir sur place. Si vous n’en avez rien à battre de tout ça, je réitère qu’il y a des restos qui embauchent dans le quartier.

Bref, on en est à 5 points sur 30. Je vais l’écrire en lettres, pour être sûr que tout le monde le comprend bien : cinq points sur trente. Une chance qu’on a maximisé les opportunités quand les autres étaient encore en train de dormir pendant les trois premiers matchs hein? Rien ne va plus pour Montréal. C’est mauvais et ça reste mauvais… non, en fait, ça devient de plus en plus mauvais. On pourrait le voir comme un point négatif, mais étrangement, ce match moisi à Toronto est peut-être l’électrochoc qui relancera la saison, d’autant qu’il est suivi par un match abordable à domicile en championnat canadien. Quoi qu’il en soit, la série de trois matchs à domicile (Forge-Nashville-DC United) pourrait fort bien être, déjà, cruciale pour la participation aux séries. Si ça se passe mal, Montréal risque de ne pas sortir de sa spirale descendante. Et attention, car l’homme qui a choisi Laurent Courtois n’est plus là pour agir en paratonnerre si le temps vire à l’orage.

Mercredi. Forge.