L’Oeil de l’arbitre (saison 2024, ép. 3)

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Et voilà, la saison est bien enclenchée, le CF Montréal est invaincu à domicile, et côté arbitral, c’est plutôt tranquille ces jours-ci depuis le retour des arbitres professionnels. Tout marche sur des roulettes en MLS…et voici qu’au quart de la saison, la MLS annonce la mise en application de ses consignes sur la gestion de match. On profite de l’occasion pour jeter un coup d’œil sur les lois du jeu, les changements cette année (et à venir), et les différents paliers qui s’en mêlent.

Qui fait la loi?
Le foot, à la base, ça dure 90 minutes et l’Allemagne gagne à la fin c’est régi par 17 lois du jeu, définies par l’International Football Association Board (IFAB). Institution du siècle dernier s’il en est une, l’IFAB compte cinq membres : les fédérations anglaise, écossaise, irlandaise et galloise (une voix chacune), et la FIFA (quatre voix), les décisions se prenant à majorité des trois quarts. Chaque année, donc, un nouveau texte des lois du jeu est publié, avec des modifications parfois mineures, parfois majeures. Ce texte est valide partout dans le monde, et (en principe) ne doit jamais être enfreint, sauf essais permis par l’IFAB.

Il y a ensuite la ribambelle de confédérations, associations nationales et compétitions qui imposent leurs propres interprétations et pratiques. Ces interprétations sont nécessaires pour rendre les lois utilisables : par exemple, l’IFAB dicte qu’une faute de main doit (entre autres) être sanctionnée lorsqu’un joueur « touche le ballon du bras ou de la main : en ayant artificiellement augmenté la surface couverte par son corps » (loi 12.1). Il en revient donc aux instances gouvernant les compétitions d’établir des lignes directrices déterminant ce qu’on entend par « artificiellement », « augmenter la surface », etc. Parfois, ces interprétations diffèrent, comme Dale Johnson de ESPN se plaît à le rappeler concernant les différences entre les compétitions UEFA et la Premier League. On le remarque également dans la différence d’application des protocoles VAR en MLS, Premier League, etc.

Quoi de neuf en 2024?
Les règles du soccer, donc, se modifient en deux endroits. En plus des changements aux lois du jeu de l’IFAB, la MLS modifie ses propres interprétations et ses instructions aux équipes et aux arbitres. Pour faire clair : la MLS ne modifie pas les lois du jeu, elle en change les principes d’application.

Les lois du jeu 2023-2024[1]
Par rapport à l’année dernière, les changements aux lois du jeu sont essentiellement des clarifications sans réelle incidence sur le jeu. Un seul changement majeur est à noter : d’après la loi 14 (coup de pied de réparation), il est explicitement interdit au gardien de « distraire abusivement le tireur ».

Les règlements MLS
On en vient donc aux modifications imposées par la MLS, qui entreront en vigueur ce samedi. Deux sont essentiellement cosmétiques :

  • Le cadran dans le stade ne s’arrête plus à 45:00 et 90:00, mais continue à rouler jusqu’à la fin du temps supplémentaire.
  • L’arbitre annoncera verbalement l’issue des révisions à la VAR. C’est un simple changement dans la présentation d’informations existantes.

Trois modifications substantielles visent à réduire le temps perdu. On a vu que la MLS applique désormais les instructions FIFA voulant que le temps ajouté soit strictement comptabilisé, causant des 7, 8, 10 minutes de temps ajouté par demie. Pour réduire ces excès, la MLS impose donc ces interprétations :

1. Un joueur blessé qui reste au sol plus de 15 secondes et requiert l’intervention des soigneurs devra sortir du jeu pour 2 minutes (à partir de la reprise du jeu). La loi 5 (L’arbitre) exige qu’un joueur requérant des soins sorte du jeu; la MLS ajoute le délai de 2 minutes, qui auparavant était à la discrétion de l’arbitre. À noter que l’arbitre doit toujours donner la permission à un joueur de rentrer sur le terrain (et il retardera cette permission si la rentrée donnerait un avantage tactique). Même si ce n’est pas spécifié, j’en déduis qu’un joueur pourra être remplacé (et son remplaçant entrer au jeu) à l’intérieur de ces deux minutes.

    Comme toute règle, il y a des exceptions, qui reflètent celles des lois du jeu :

    • Un joueur n’a pas besoin des soigneurs (appelons ça la « règle Matias Coccaro »)
    • Un joueur quitte le terrain volontairement être soigné
    • Un joueur est blessé par une faute sanctionnée d’un carton jaune ou rouge
    • Un joueur est blessé par une faute donnant un coup de pied de réparation, qu’il tirera
    • Un gardien est blessé, un gardien et un joueur de champ sont blessés par une collision, deux joueurs de la même équipe sont blessés.
    • Si deux joueurs subissent une blessure à la tête et doivent être évalués pour une commotion cérébrale, les deux joueurs ne seront autorisés à revenir au jeu qu’en même temps (sauf en cas de substitution/joueur n’étant pas autorisé à reprendre le jeu), par question d’équité.
    • Un joueur est forcé de sortir pour saignement ou blessure à la tête.

    2. Un joueur remplacé doit quitter le terrain dans les 10 secondes suivant l’annonce du changement, par le point le plus près. En cas d’infraction, le remplaçant ne pourra entrer qu’à l’arrêt de jeu suivant, au minimum 60 secondes après la reprise du jeu, laissant son équipe en déficit d’un joueur pour au moins une minute. Évidemment, cette règle devrait avoir pour effet aussi de diminuer l’incidence de cartons jaunes pour avoir retardé la reprise du jeu.[2]

    La MLS souhaite donc réduire le temps perdu pour blessures et changements. Avec potentiellement 6 périodes de changement par match (10 changements au total), l’économie pourrait être substantielle. Il reste à voir à quel point ces règles seront appliquées. Sera-t-on plus indulgent avec un capitaine devant donner son brassard, par exemple? Laissera-t-on encore un joueur blessé rester au sol pendant une minute sans intervention des soigneurs, ou le forcera-t-on à décider rapidement de jouer ou sortir? À noter, également, que ces règles ne s’appliqueront pas, sauf stipulations, en championnat canadien, en Leagues Cup, ni en Coupe des Champions CONCACAF.


    [1] La MLS ayant commencé sa saison en février, elle applique les lois 2023-24. Les compétitions commençant après le 1er juillet – incluant, en principe, la Leagues Cup – appliqueront les lois 2024-25.

    [2] Rien, dans les lois du jeu, n’oblige un joueur à être remplacé. Alors que se passe-t-il si un joueur refuse de sortir? Rien! À l’entraîneur de gérer ça après le match.