L’oeil de l’arbitre (saison 2023, ép. 3)

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Nous voilà au tiers de la saison, et le CF Montréal tient enfin sa première vraie controverse d’arbitrage. Pour le crime immonde de ne pas avoir donné un penalty qui existait peut-être, pour la transgression sans nom d’avoir correctement appliqué les lois du jeu en faisant sortir Wanyama pour avoir requis l’intervention des soigneurs,[1] l’arbitre – canadien (!) – confirme ce qu’on sait tous, que les arbitres n’aiment pas Montréal, et que la MLS et PRO imposent des consignes favorisant les équipes américaines, surtout celles des gros marchés comme les Red Bulls de…Harrison, New Jersey et leur foule de 13 000 personnes. Et ça n’arrive qu’à Montréal, c’est connu.

Alors aujourd’hui, petit retour sur les fautes de main. Problème éternel, ça fait des années que l’IFAB tripatouille la définition pour essayer d’en trouver une qui fasse consensus. Ça ressemble à l’aphorisme d’un juge de la cour suprême américaine: les fautes de main, comme la pornographie, c’est impossible à définir clairement, mais on les reconnaît quand on les voit. Encore plus que pour les autres aspects des lois du jeu, donc, il est crucial d’utiliser le texte à jour :

Afin de pouvoir déterminer les fautes de main, la limite supérieure du bras coïncide avec le bas de l’aisselle. Tout contact entre le ballon et le bras ou la main d’un joueur ne constitue pas nécessairement une infraction.

Il y a faute si un joueur :

  • touche délibérément le ballon du bras ou de la main, par exemple avec mouvement du bras ou de la main vers le ballon ;
  • touche le ballon du bras ou de la main : en ayant artificiellement augmenté la surface couverte par son corps. Il est considéré qu’un joueur a artificiellement augmenté la surface couverte par son corps lorsque la position de son bras ou de sa main n’est pas une conséquence du mouvement de son corps dans cette situation spécifique ou n’est pas justifiable par un tel mouvement. En ayant son bras ou sa main dans une telle position, le joueur prend le risque de toucher le ballon avec ces parties du corps et ainsi d’être sanctionné ;
  • marque un but :
    • directement de la main ou du bras, même de manière accidentelle (s’applique également au gardien) ;
    • immédiatement après que le ballon a touché son bras ou sa main, même de manière accidentelle.

Par cette définition, donc, on note quelques éléments essentiels. Tout d’abord, sauf les rares cas où les mains vont vers le ballon, la notion d’intention est complètement évacuée des lois du jeu, ce qui simplifie grandement la tâche de l’arbitre : tout ce qui importe est la position des bras. Deuxièmement, on a également éliminé toutes les exceptions qui proliféraient il y a quelques années (un joueur qui glisse peut garder un bras perpendiculaire à son corps pour s’appuyer, les bras au-dessus des épaules sont sanctionnables, etc.) – on laisse donc l’appréciation de tous les mouvements dans leur contexte.[2] Enfin, on transfère clairement le risque envers les défenseurs : il est spécifié explicitement qu’un joueur augmentant la surface de son corps artificiellement prend un risque, pour lequel il est seul responsable, peu importe d’où provient le ballon, si le ballon dévie, etc.

 Le critère déterminant est donc si la position de la main est naturelle selon le mouvement dans cette situation spécifique. Il peut donc y avoir des désaccords sur le type de mouvement entrepris, comme dans le cas de Gabriele Corbo il y a un mois. Surtout pour des joueurs statiques, on présume qu’ils ont le contrôle de leur corps, et – surtout pour des ballons qui viennent d’une certaine distance – qu’ils ont le niveau d’habileté pour réagir. On parle ici de joueurs professionnels : on s’attend donc à un lien très clair entre la position de la main et le mouvement du joueur pour tolérer un contact. Cela dit, l’autre portion du critère – « ayant augmenté la surface couverte par son corps » demeure cruciale : une main qui n’étend pas la silhouette du joueur ne devrait pas être sanctionnée.

En l’absence d’images claires, je ne porterai pas de verdict sur la situation à la 92e minute contre New York (et j’encouragerais les partisans à faire de même, jusqu’à ce qu’Instant Replay offre peut-être des angles différents). Je me limiterai donc à deux observations. Tout d’abord, on doit juger la position des bras au moment précis du contact. Un bras qui vole vers l’arrière après que le ballon soit passé, c’est entièrement normal. Deuxièmement, vu l’emphase mise sur le contexte du mouvement du joueur, il est impossible de juger de la position naturelle – ou pas – d’une main sans vidéo qui montre l’évolution de ce mouvement. Les images disponibles en ce moment ne nous montrent aucun de ces deux éléments.

NB : J’écris ceci en fin d’après-midi lundi. Si des images méritant une mise à jour deviennent disponibles, je la ferai ici ou sur mon compte Twitter.


[1] « Un joueur blessé ne peut être soigné sur le terrain et ne peut y retourner qu’une fois que le jeu a repris : si le ballon est en jeu, le joueur doit retourner sur le terrain depuis la ligne de touche […] ». Loi 5.3.

[2] Ceci ne veut pas dire que c’est entièrement subjectif. Les fédérations et organisations d’arbitres travaillent constamment pour développer des lignes directrices, qui parfois (souvent) diffèrent d’une compétition à l’autre. Par exemple, Dale Johnson traite des désaccords à l’UEFA ici.