Alors, donc, où en étions-nous? Ah oui, les pommes. Comme nous l’avions vu lors de la dernière édition de cette chronique, il y a des pommes qui sont plus difficiles d’accès que d’autres. Celles qui nécessitent une grande échelle et un numéro d’équilibriste digne des meilleurs spectacles du Cirque du Soleil pour les atteindre. Alors évidemment, si pour récupérer une telle pomme on s’équipe d’une échelle instable avec quelques barreaux pourris, et qu’on chausse des sabots trop grands sculptés dans des pains de savon, on ne met évidemment pas les chances de son côté. Et trébucher dans le petit fossé qui se trouve devant l’arbre pour se retrouver étaler de tout son long au pied du tronc avant même d’avoir touché à l’échelle n’annonce évidemment pas une ascension aisée jusqu’à la cime du pommier. Une première défaite depuis longtemps et trois constats.
1) Wanyama aurait dû être titularisé contre Cincinnati
On comprend l’intention d’Hernan Losada de faire tourner son effectif et de tenter des expériences, notamment celle de Rudy Camacho en milieu défensif. C’est normal, voire recommandé. Rien à redire. Cependant, quand on affronte coup sur coup sur la route Cincinnati, co-meneur dans l’Est, puis les plutôt faibles Boissons énergisantes du New Jersey, on en vient à se demander si ne pas titulariser Victor Wanyama n’était pas un aveu de faiblesse de Losada. A-t-il misé toutes ses billes sur les trois points à New York comme objectif de la semaine, sachant qu’il risquait de tout perdre en forçant la note mercredi? Possible. Ceci dit, l’absence de Wanyama, conjuguée avec un Rea et (surtout) un Choinière pour qui les tâches défensives semblaient être un lointain concept, a placé toute la pression défensive en milieu de terrain, secteur névralgique contre Cincinnati, sur les épaules d’un seul homme : un défenseur central qui jouait évidemment hors position. Le courageux Rudy Camacho n’a cependant pas pu tenir le coup devant les océans d’espace laissés en milieu de terrain par les Montréalais. Naufrage. C’était mieux en seconde mi-temps, quand Wanyama est finalement monté et que Montréal a resserré un peu les rangs, mais c’était déjà trop tard.
2) Il y avait trop d’erreurs et de déchets
Franchement, malgré cet intitulé, Montréal n’a pas si mal joué. L’équipe était dans le match, a joué parfois très bien au ballon contre une équipe invaincue à domicile, et a créé plusieurs belles phases de jeu. Par contre, il y a eu trop d’erreurs et de déchets. Des passes parfois molles, parfois trop appuyées, parfois dans le dos, parfois nulle part, et, surtout, des risques inutiles qui ont augmenté la pression sur la défense. Et contre une équipe qui a le vent dans les voiles, chez elle, ces erreurs se transforment souvent en profonds regrets. Comme quand on dégage le ballon dans son propre but. Ou qu’on fait une passe molle plein axe qui est interceptée trop facilement par l’autre équipe. Ou qu’on perd le ballon parce qu’on fait du cirque (du mauvais cirque, pas celui qui nous permettrait de récupérer la pomme) au lieu de jouer simple. Contre Cincinnati, à Cincinnati, ce genre de largesses est un véritable poison. Et c’était comme si l’équipe n’était pas au courant.
3) Aaron Herrera a été inutile
S’il y a un joueur dont on attendait plus sur la pelouse de Cincinnati, c’est bien Aaron Herrera. On l’imaginait déjà transportant l’échelle, puis grimpant d’un pas assuré, avant de cueillir la pomme et de croquer dedans à belles dents sous les vivats de ses coéquipiers. À la place, on a eu droit à un Herrera perdu dans le champ de maïs de la ferme voisine, les pieds dans la boue, chaussé de sa nouvelle paire de Nike achetée la veille à fort prix. Placement défensif de U8, courses inutiles, implication offensive molle ou quasi inexistante, Aaron Herrera n’était pas l’ombre de lui-même. En fait, son langage corporel indiquait qu’il n’était pas totalement à l’aise. Maintenant, la question est de savoir pourquoi. Manque de clarté dans les directives? Manque de préparation à l’adversaire après le festival Toronto? Fatigue? Pari misé par l’entraîneur sur le match au New Jersey? Quoi qu’il en soit, Herrera était à moitié là.
En fait, ce match en milieu de semaine contre Cincinnati est bien mal tombé. Après une semaine fort importante contre le voisin torontois, un match en semaine allait forcément être synonyme de préparation minimale à l’adversaire. Se déplacer chez un ténor avec une préparation minimale n’est évidemment pas une bonne chose. En ce sens, la pomme était inatteignable. Il aurait probablement fallu plus qu’un numéro d’équilibriste primé pour atteindre le fruit. En fait, il aurait probablement fallu sortir la tronçonneuse, abattre l’arbre et ramasser la pomme. Mais nous n’en sommes pas là. Pas encore du moins. Montréal en est encore à l’échelle, au pied sur la branche, à l’étirement jusqu’à se disloquer l’épaule et au risque de se péter la fiole violemment. Mais au fond, on s’en balance un peu. Les pommes, c’est en septembre, de toute façon. Il reste du temps pour solidifier la stratégie de cueillette d’ici là. On ira aux fraises en attendant. C’est plus facile, c’est au ras du sol.
Et des fraises, il y en a déjà à récolter ce samedi au New Jersey. Hernan Losada l’avait probablement compris.