Il y a des pommes qui sont plus difficiles à cueillir que d’autres. Parfois, il faut sortir la grande échelle, grimper au sommet, se mettre en équilibre, un pied sur l’échelle, l’autre sur une branche, au risque de chuter et de se rompre le cou. Et il y a des pommes résolument faciles à récupérer. Celles qui sont là, à hauteur des yeux, grosses, belles, juteuses, invitantes. Il suffit de tendre la main et de les mettre dans le panier. Comme lors de ce match au stade Saputo, contre une équipe torontoise amorphe, en pleine dérive, pilotée par un entraîneur délavé qui n’est visiblement plus écouté par personne de son clan. Une petite sortie agréable au verger et trois constats.
1) Montréal a fort mal commencé son match
Autant la pomme était facilement accessible, autant Montréal n’avait pas vu ce petit fossé dans le sol juste devant l’arbre. Si le faux pas s’est vite transformé en rigolade et en petit coup de coude dans les côtes, mais il n’en demeure pas moins que Montréal a bien failli se péter la gueule en s’approchant du fruit. Souvent surpris par les passes en profondeur des Torontois, Montréal a été poussé à la faute à plusieurs reprises, si bien qu’après 25 minutes, Losada voyait déjà deux de ses défenseurs centraux couverts de jaune. Rajoutons à cela Herrera qui rejoignait ses collègues dans le carnet de l’arbitre avant la pause et il était clair que la navigation deviendrait plus complexe en seconde mi-temps. Qui plus est, offensivement, c’était compliqué, non pas parce que Toronto jouait bien, mais parce que les Montréalais semblaient ne pas se voir sur la pelouse. Bref, ce n’était pas l’entame de match rêvée pour les locaux.
2) La paire Wanyama-Camacho, c’était oui, mais ça a été non
La surprise du jour du chef Losada était la titularisation de Rudy Camacho en milieu de terrain, cette fois aux côtés de Victor Wanyama. Après le fort match de Camacho à Toronto, l’idée de poursuivre l’expérience médiane du défenseur central français était invitante, certes, et on avait bien hâte de voir cet inhabituel duo casser le jeu torontois. Or, on avait oublié un détail important, maintes fois mentionné dans les lignes de cette chronique : Victor, il est mieux quand il est tout seul devant la défense. Alors évidemment, lui greffer un défenseur central à la jambe droite n’était évidemment pas gage de réussite. Et si on a pu voir l’idée principale derrière cette décision, soit profiter de la qualité de passe (longue) vers l’avant de Rudy Camacho, se matérialiser à plusieurs reprises, on a aussi pu voir quelques hésitations entre les deux hommes sur le plan défensif et constater l’effacement quasi complet de la courroie de transmission qu’était Mathieu Choinière depuis quelques matchs. Bref, ça valait la peine d’essayer, mais ça ne marchait pas. Et franchement, on n’est pas contre l’idée de travailler le concept à l’entraînement…
3) Hernan Losada a réussi son match
Malgré une configuration inédite de son milieu de terrain qui a plombé le jeu de son équipe en première mi-temps, l’entraîneur montréalais a su bien réagir en seconde mi-temps, notamment grâce à la nécessité d’assurer ses arrières en raison des cartons jaunes distribués dans les 45 premières minutes. En replaçant Camacho derrière et en mutant Corbo à la place de Thorkelsson, Losada a pu réintégrer Choinière dans son rôle d’ascenseur axial et envoyer Sean Rea semer le doute chez les milieux et défenseurs torontois (en plus d’enlever un Quioto dans un jour sans au profit d’un Lappalainen avec du ressort sous le pied). Et tout de suite, le jeu montréalais s’est mis à respirer. Ça allait mieux, c’était plus propre, plus encourageant, plus footballistique. Soulignons aussi la présence d’esprit d’écarter Herrera, jauni, dès qu’il a commencé à se prendre la tête avec Insigne. Des détails qui ont fait toute la différence. Protection + solutions = coaching gagnant. En plus, il a bien énervé le jeune Marshall-Rutty. Et on ne se le cachera pas, on aime beaucoup ça, ces choses-là, contre Toronto.
On termine avec un petit mot sur George Campbell, l’homme faisant partie des « renforts inexistants », selon certains apôtres de l’apocalypse. Cet homme sait visiblement jouer au football. Encore un joli coup de Renard, qui nous amène un bonhomme format géant ayant pourtant la dextérité nécessaire balle au pied pour envoyer Insigne dans le vent. Jusqu’à présent, Campbell convainc. Et ça en fait du monde qui joue bien derrière…
Non mais, quelle semaine! C’est quand la dernière fois qu’on s’est tapé deux victoires nettement méritées de suite contre Toronto? Peu importe. On s’en fout. Vivons le moment présent. Voyons, qu’ose-je dire là, en pleines célébrations de l’histoire du club? Permettez-moi de me reprendre. Ce duel contre Toronto n’était pas sans rappeler la facilité (toute relative) avec laquelle Montréal réussissait à s’imposer face au Lynx de Toronto en seconde division. On ne prétendra pas que Montréal n’a pas travaillé fort, mais disons que les solutions étaient plutôt claires et simples à mettre en application, tant l’adversaire, pourtant doté de quelques canons de fort calibre au milieu de son armée de tire-pois, était facilement prenable. Comme le* Lynx dans le temps quoi. On savait qu’on allait gagner, mais on ne savait pas toujours comment. La pomme était là, à hauteur des yeux. Il suffisait d’enjamber le petit fossé devant l’arbre.
Direction Cincinnati, pour une visite chez le co-meneur de l’Est en milieu de semaine. J’ai comme l’impression qu’il va falloir sortir l’échelle cette fois-ci.
*Oui, le Lynx, au singulier, parce qu’il y avait vraiment juste un seul lynx, et il n’était même pas toujours complet; souvent il avait juste trois pattes, un seul œil ou pas d’oreilles.