On aurait pu croire à un poisson d’avril. Aussitôt le match commencé, Samuel Piette s’est blessé, tout seul. Ensuite, ça ne tournait pas rond, presque personne ne semblait dans son assiette. Et puis, c’est vraiment parti en vrille. En y regardant de plus près, on aurait pu croire que les joueurs montréalais avaient tous un petit poisson accroché dans le dos. Ou une cible, même. Mais en fait, c’était bien pire que ça. Les Montréalais étaient plutôt de gros poissons avec un petit joueur de foot accroché dans le dos, en train de suffoquer dans un environnement qui leur était inconnu et hostile. Au final, cette prestation avait l’allure et l’odeur d’une vieille déjection canine ensevelie dans la neige qui revoyait la lumière du soleil pour la première fois depuis trois mois. Et croyez-moi, il fallait vraiment se forcer pour trouver quoi que ce soit de positif dans le jus d’un brun jaunâtre qui en coulait. Cinq buts à dix et trois constats.
1) La défense a été horrible
Vu l’intitulé de ce constat, on devrait normalement vous parler de la défense. Or, une question un tantinet philosophique s’impose, un peu comme celle de l’arbre qui tombe dans la forêt (fait-il du bruit si personne n’est là pour l’entendre tomber?). Dans ce cas-ci, si on parle de quelque chose qui n’existe pas, cette chose en vient-elle à exister? Car bien avant de perdre un morceau et de commencer à accorder des buts comme on sème les cosmos au printemps, il faut bien reconnaître que la défense montréalaise n’avait simplement pas mis les pieds sur le terrain de Vancouver. C’était le buffet à volonté pour les d’ordinaire inaptes éléments offensifs des Whitecaps. À gauche, à droite, dans le dos, par-dessus, derrière, devant, hop, ça passait partout. Le trio Waterman-Camacho-Miller, s’il était physiquement sur la pelouse, n’était pas pour autant présent mentalement. Constamment en retard dans toutes les phases de jeu, la « ligne arrière » avait effectivement la même efficacité que les lignes du terrain pour stopper le ballon et l’adversaire : elle se fait marcher ou rouler dessus. On pourrait dire que c’était insuffisant, médiocre ou carrément mauvais, mais les mots ne seraient pas assez forts. C’était tout simplement honteux.
2) Losada a abandonné
Plus le jus brun jaunâtre coulait, moins l’entraîneur montréalais trouvait de solutions pour cesser la fonte et la décomposition de cette déjection canine qu’étaient son équipe et son plan de match. Bon, ça arrive de se planter. Ça arrive que les circonstances ne t’aident pas. Mais tu serres les dents et tu continues. Tu essaies de démontrer, ne serait-ce que pour l’honneur du blason, que tu peux jouer au foot, même si tout ce qui se passe relève plus de l’excrément que de l’excellence. C’est un mauvais moment à passer, mais tu persévères et tu espères que d’une manière ou d’une autre, même si les trois points sont inatteignables, tu vas ressortir de l’expérience en ayant su redresser au moins une partie des travers. Au minimum, tu te bats en pensant aux supporters. Eh ben non, pas pour Hernan Losada. À 4-0, avec 35 minutes à jouer, il a décidé d’enlever ses titulaires (qui étaient mauvais, certes) et de lancer dans l’eau bouillante, au risque de leur causer un traumatisme, des réservistes qui n’avaient de prime abord pas le rythme ou les moyens de renverser la tendance. On pourrait dire que c’était louche, discutable ou carrément ridicule, mais les mots ne seraient pas assez forts. C’était tout simplement honteux.
3) Au moins, Rida Zouhir a bien joué
La voilà, la petite goutte de neige fondue qui a réussi à se faufiler entre deux lampées de jus brun jaunâtre. Rida Zouhir a été appelé dès les premières minutes de jeu à remplacer en urgence le pauvre Samuel Piette, victime d’une rechute (on salue le staff médical qui nous offre une saison de haut vol jusqu’à présent). Et dans les circonstances, on se disait que ce serait difficile pour Zouhir de bien rentrer dans le match. Avec le recul, ce sont tous les autres autour qui se sont mis à faire n’importe quoi, alors que le jeune produit de l’académie proposait globalement, mais pas tout le temps, du jeu simple, intelligent, propre et efficace. Impliqué défensivement comme en transition offensive, Zouhir a su tirer son épingle du jeu (ou plutôt de la botte de foin transformée en fumier) à quelques reprises. Bref, Rida, lui, n’était pas honteux.
Autrement, on attendait avec impatience la première titularisation d’Offor et celui-ci en a profité pour se distinguer en passant sous les 459 ballons dégagés dans sa direction qu’il tentait de jouer de la tête. Je peux comprendre qu’on en rate de temps en temps, parce que le duel est physique, qu’il y a du vent, qu’on a le soleil dans les yeux, qu’on a trop bouffé à midi, ou peu importe, mais rater systématiquement tous les ballons sans même être proche d’y toucher, ça prend quand même un certain talent. Là aussi, c’était honteux. Et puis, franchement, on se sent mal pour Sean Rea. Le jeune est talentueux, mais il n’a pour le moment absolument pas les épaules pour transporter l’équipe ou influencer un match comme on semble espérer qu’il le fasse. C’est plutôt un joueur qui va venir provoquer des choses, insuffler pour une brève période un peu d’énergie dans le jeu, accélérer les choses. Ce n’est pas, encore, un meneur de jeu. Et le pauvre, ce samedi, quand il se démarquait avec l’un ou l’autre geste technique, il levait la tête et ne voyait principalement que des chèvres le regarder avec un air béat. On lui enlève donc à lui aussi l’étiquette de la honte. Courage, Sean.
Direction la Nouvelle-Angleterre samedi prochain, en espérant qu’on évitera une Nouvelle-Catastrophe.