Trois petits tours et puis s’en vont. Hormis les supporters les plus optimistes aveuglés par une campagne de qualification dopée par la non-performance de certaines nations clés, peu de gens voyaient le Canada sortir du groupe F, groupe difficile s’il en était un, comme les résultats finaux l’ont bien démontré. Petit poucet a donc joué son rôle de Petit poucet et, malgré une prestation encourageante, a quitté le Qatar les poches vides de points. Et il faut bien le reconnaître, ce dernier match, contre l’adversaire théoriquement le moins fort du lot, mais aussi celui qui a fini premier, était de mauvais augure pour la défense lente et lourde du Canada, comme pour son entrejeu plein de bonne volonté, mais techniquement limité. Un dernier match et trois constats.
1) Ça allait trop vite pour le Canada
Le Maroc, on l’avait bien vu, était un groupe plein de qualités, mais aussi très dynamique et rapide, avec ou sans le ballon. Et pour les Canadiens, ça n’annonçait rien de bon. De fait, l’entrejeu et les flancs canadiens ont été submergés par des Marocains qui affichaient une grinta des grands jours. Transportés par une foule partisane aussi chaude que la roche en fusion, les Maghrébins étaient partout, tout le temps, mais surtout sur les deuxièmes ballons. Le pressing était vif, efficace, étouffant. Nulle part, sauf peut-être en défense centrale, les hommes de John Herdman n’avaient le temps de s’appliquer dans leur exécution balle au pied. On touchait au ballon et on avait automatiquement un adversaire dans les chaussettes. La solution pour se sortir d’un tel étau était de jouer vite, la plupart du temps en une touche, et juste. La machine devait donc tourner rondement. Malheureusement, les Canadiens ont plutôt fait des passes imprécises, trop vives ou trop molles, parfois même à personne. Résultat : Maroc a largement gagné la première mi-temps. Une fois en avance et en contrôle, ils ont laissé plus de temps au Canada balle au pied, et dès lors, on a vu du mieux dans le jeu canadien, même si, ultimement, le gardien adverse, ironiquement né à Montréal, n’a pas vraiment eu chaud. Sauf une fois. Ah, si seulement Hutch avait visé 3 cm plus bas!
2) Alphonso Davies a été mauvais
C’est dommage, ça fait mal de le dire, mais c’est la triste réalité : Alphonso Davies a été mauvais tout au long du match. Sa première mi-temps a été pénible : Davies variait entre transparence et apparitions subites pour faire des conneries. Bon, il est vrai que le Canada au complet peinait durant le premier engagement et que son positionnement là par où rien ne passait (en plein milieu) n’a pas non plus aidé à le mettre dans le rythme. Or, les rares fois où il touchait au ballon, c’était tout bonnement pénible. Si, comme pour ses coéquipiers, son jeu a pris un peu de mieux en seconde mi-temps, son apport global est demeuré timide et généralement inutile. Malheureusement, comme Davies est le seul joueur canadien qui a réellement le niveau des ténors d’un tel tournoi, son apport aurait dû être bien plus évident, surtout dans un match où il fallait trouver des solutions pour briser le pressing et surmonter la hargne des Marocains. Avec plus de temps balle au pied en seconde mi-temps, on s’attendait à voir Davies plus entreprenant, cherchant à dynamiter le bloc adverse. Ce ne fut pas vraiment le cas. Décevant.
3) On n’a pas compris quel était le plan de Herdman
Enfin, non, c’est faux. On avait compris après les deux premiers matchs, voire après le premier, voire après la campagne qualificative, voire après ses longues années à la tête de l’équipe nationale féminine, que le plan serait de baisser la tête et de foncer devant. Or, comme on n’était pas en Concacaf ou, accessoirement, que les équipes ne défendent pas toutes comme la Belgique, forcément, quelqu’un allait finir par dresser un mur devant les hommes à la feuille d’érable. Et évidemment, le Maroc, qui l’avait bien fait depuis le début du tournoi contre des adversaires de plus haut calibre, n’allait certainement pas se mettre à la flûte de pan après avoir joué du tambour tout le tournoi. La planète le savait. Et malgré tout, l’oncle Johnny a décidé qu’on allait baisser la tête et foncer devant. Et bien entendu, ça n’a pas marché. Et après 20 minutes, le seul plan appliqué semblait être de tenter de rejoindre Adekugbe sur le flanc gauche avec une longue latérale. Encore. Et encore. Une fois en tribune, une fois 18 m devant lui, une fois sur le défenseur marocain, une fois de trop. Pauvreté. Tristesse. Misère.
Bref, il faut changer. Grandir. Cesser de se fier en tout temps à un système et à une mentalité à peine plus évolués que le vieux kick and rush du siècle dernier. Le Canada reste le Canada. Si les perspectives sont bien plus encourageantes qu’elles ne l’ont été, il ne faut pas non plus brûler les étapes. On ne peut pas courir avant d’avoir appris à marcher. Le Canada vient tout juste de se réveiller d’un long sommeil comateux. C’était donc un peu ambitieux d’arriver à la Coupe du Monde et de se dire qu’on allait jouer contre la Croatie comme on a joué contre Haïti. Heureusement, le chemin à parcourir avant d’arriver à 2026 offre une grande possibilité d’apprentissage et d’évolution. Comme il ne devra plus que probablement pas jouer de matchs qualificatifs, le Canada aura tout le loisir de revoir ses plans, d’en redessiner quelques pages et de construire sur la charpente actuelle de la maison pour éventuellement y ajouter quelques pièces, voire un étage. Il faut apporter au soccer canadien des principes de jeu, une malléabilité tactique et des options plus claires, notamment en précisant les rôles et les attentes des joueurs présents dans l’effectif, car on ne peut pas aller à la guerre sans vraiment savoir qui sont les officiers. C’est le moment de se développer. Cette étape est nécessaire pour non seulement établir les bases qui permettront au Canada de bien paraître en 2026, mais aussi pour fixer à plus long terme l’identité et les orientations de l’équipe nationale. Bref, il faut ajouter des idées. Et ça, on sait déjà que ce n’est pas dans les habitudes de John Herdman.