Il y a quelques mois à peine, on n’aurait jamais cru écrire un tel titre de chronique. Du moins, pas avant 2026. Et pourtant, pas moins de six représentants du CF Montréal fouleront les pelouses du Qatar au cours des prochaines semaines. Ou au minimum celles des terrains d’entraînement. Si le séjour du Canada au Qatar risque d’être relativement court, nous pourrons toutefois avoir le plaisir de voir « nos » Montréalais, mais pas tous, s’exprimer lors du tournoi des tournois. À quelques heures du coup d’envoi du grand cirque de la FIFA, faisons le tour des six joueurs du CF Montréal retenu par John Herdman.
Alistair Johnston
Le premier de la liste qui verra certainement beaucoup de temps de jeu est celui qui vient de battre le record de matchs consécutifs en équipe nationale canadienne (28). Malgré son jeune âge, Alistair Johnston fait partie de meubles de cette sélection. Indélogeable en défense centrale (pourtant une des faiblesses du Canada), Johnston disputera probablement la majeure partie des minutes disponibles. Sa polyvalence lui permet de se projeter vers l’avant pour appuyer l’attaque, comme on l’a vu plusieurs fois lors des qualifications. Autant espérer pour le Canada qu’il ne soit pas aspiré par le but adverse comme cela se produit relativement fréquemment en Major League Soccer, car à ce niveau, ça se retournera très vite contre lui. Or, les supporters du CF Montréal le savent, Johnston est plus performant en latéral droit qu’en défenseur central. On l’a bien vu en MLS : Johnston est un défenseur central moyen, mais un excellent latéral droit. J’insiste donc sur ce détail, au cas où quelqu’un dans l’entourage du personnel technique des Diables Rouges lirait ces lignes. Auquel cas, je l’invite à lire également le prochain paragraphe.
Kamal Miller
Révélation avec Montréal en 2021, Kamal Miller a également fait sa place en équipe nationale. L’athlétique et mobile défenseur central possède tout comme Johnston une excellente capacité à se projeter vers l’avant, amenant avec lui un danger souvent inattendu pour les adversaires. Son aisance en relance en fait également un danger pour les missiles balancés derrière la défense en contre-attaque (avertissement à la défense belge). Tout comme Johnston, Miller est assuré d’être présent la plupart du temps sur le terrain lors des matchs du Canada. Profitera-t-il de cette excellente fenêtre pour se mettre en valeur? Rien n’est moins sûr. Kamal Miller a connu une saison 2022 en dents de scie. Sa fin de saison, en séries notamment, a été caractérisée par de mauvais positionnements, des séquences en spectateur plutôt qu’acteur et des réactions tardives ou autrement discutables. S’il était relativement facile d’éliminer Miller en MLS, ça n’annonce rien de bon pour le Canada sur les pelouses du Qatar. Car ça va aller vite. Très vite. Même pour le Miller de 2021.
Samuel Piette
Difficile de prédire si Samuel Piette sera titulaire mercredi prochain face à la Belgique, mais chose certaine, le co-capitaine du CF Montréal devrait obtenir plusieurs minutes en Coupe du Monde. Comme ce fut le cas lors des qualifications, Piette devrait être utilisé un peu à toutes les sauces : en relève, titulaire ou pas du tout, selon la situation. Lorsqu’il sera sur le terrain, le milieu défensif devra être alerte et réagir plus rapidement qu’en MLS, comme en fait foi son inaction sur le premier but marqué par le Japon lors du dernier match préparatoire avant le grand jour. Indécis, un peu loin du joueur japonais et peu au fait de ce qui se passait dans son dos, Piette a simplement figé et s’est transformé, malgré lui, en spectateur. En Coupe du Monde, on ne peut pas donner trois secondes à l’adversaire qui a le ballon. Samuel Piette le sait et devra s’ajuster rapidement.
Ismaël Koné
La pépite montréalaise est définitivement la belle histoire de cette sélection. Amateur il y a à peine un an et demi, le voilà propulsé, de façon méritoire, sur la plus grande des scènes, devant les yeux de toute la planète. Or, ce qui fait la beauté de l’histoire est aussi ce qui risque de jouer contre lui. Passer d’amateur à la Coupe du Monde, rien de moins, en 18 mois, est une énorme marche à gravir. Il faudra donc s’attendre à une utilisation sporadique de l’ancien du CS Saint-Laurent. Ismaël Koné devra se concentrer sur un rôle d’injecteur de dynamisme en relève aux titulaires, qui devront travailler durement pour contenir les assauts de leurs opposants. Il ne faut pas se voiler le visage; le Canada n’est pas dans la même catégorie de poids que la Belgique et la Croatie. Ainsi, il faut s’attendre à voir Koné entrer en jeu pour apporter un peu de folie et de vivacité dans le jeu canadien si les rouges doivent remonter au score, un scénario tout de même fortement plausible. Et c’est parfait ainsi pour Koné, qui ne serait certainement le premier envoyé au front pour protéger une avance, le cas échéant. Bref, Koné en joker, pourvoyeur de mouvement et d’animation en seconde période. Et si ça va bien, pourquoi pas titulaire contre le Maroc?
Joel Waterman
Vous l’aviez lu sur Viau Park, c’est arrivé : Joel Waterman sera au Qatar. Seconde plus belle histoire de la sélection derrière son collègue Koné, Waterman est passé du soccer universitaire canadien à la Coupe du Monde en l’espace de quatre ans. Imaginez : lors de la dernière Coupe du Monde, il n’était même pas professionnel. Malheureusement, il y a fort à parier que le meilleur agent de promotion de la Canadian Premier League ne verra pas d’action lors des trois matchs du Canada. Ou du moins s’il en voit, il n’en verra que très peu. Appelé tardivement par John Herdman, Waterman est un nouveau visage au sein de la sélection et parions que son évaluation n’est pas encore tout à fait terminée. Il serait surprenant que John Herdman l’envoie dans la mêlée bien plus qu’une poignée de minutes. Et ce n’est pas plus mal, car on ne sait pas encore si Waterman a les nerfs pour soutenir la pression d’un tel événement. La Coupe du Monde, ce n’est pas tout à fait la finale de la CPL ou une demi-finale de conférence en MLS. Bref, Joel Waterman est là, mais il est peut-être encore un peu trop tôt pour lui. Mais l’expérience d’une Coupe du Monde, même comme partenaire d’entraînement, ça n’a pas de prix. Waterman 2026!
James Pantemis
On ne sait pas quels étaient les plans de James Pantemis pour les vacances, mais en raison de la malencontreuse blessure subie par Maxime Crépeau en finale de la MLS Cup, il les passera finalement en partie sous le soleil du Qatar. Car non, mesdames et messieurs, à moins d’une énorme catastrophe, James Pantemis ne sera pas devant le filet du Canada à la Coupe du Monde. Bien entendu, tout le monde le sait, incluant le principal intéressé. Et donc, Pantemis se rendra sur place en connaissant son rôle : celui d’un partenaire d’entraînement, là pour pousser ses collègues à en faire plus, et contribuer à un sentiment de camaraderie dans le groupe de gardiens. Ne sous-estimez pas l’influence du troisième gardien; la préparation du titulaire en dépend.
Voilà qui met la table pour le retour, enfin, 36 ans plus tard, des Rouges en Coupe du Monde. L’attente est presque finie, Canada. Dans quelques jours, l’arbitre sifflera le coup d’envoi d’un Belgique-Canada qui, pour la première fois de l’histoire, comptera pour autre chose que le droit de se vanter. Mercredi, 14 h. Les Diables, les Rouges, la Coupe du Monde. Que le meilleur gagne.
Oui, le meilleur, c’est la Belgique, évidemment.