Les avertissements étaient pourtant clairs. Si clairs qu’ils avaient été écrits en ces lignes la semaine dernière : « Attention, donc, aux risques apportés par un éventuel adversaire moins gauche en finition que Gargamel. » Et encore : « Mais… attention aux risques apportés par un éventuel adversaire moins gauche en contre-attaque que Gargamel. » Comme nous l’avions pressenti, New York n’était pas Gargamel (alias Orlando). Mais Montréal n’a pas coutume de s’adapter à son adversaire. Non. Montréal joue « son jeu ». Toute la saison, c’est ce qui a été dit et répété. Et c’est peut-être là la principale leçon à retenir de cette saison inédite et combien agréable : un moment donné, quand tu vois l’autobus arriver, il faut donner un coup de volant, pas accélérer pour tenter de passer au travers. Un clap de fin et trois constats.
1) Montréal a péché par excès de confiance
On l’avait vu. On l’avait dit. On n’était pas non plus les seuls à l’avoir remarqué. Nick Cushing et sa bande l’avaient bien noté et ont misé là-dessus. Malgré les statistiques qu’on nous présentait chaque fois que Montréal se faisait planter en contre-attaque, l’Impact était une équipe qu’on pouvait surprendre en contre-attaque. En fait, c’était probablement le meilleur plan pour les battre, à plus forte raison au stade Saputo. Leur donner le ballon, les laisser se faire aspirer par la surface jusqu’à ce qu’ils soient si haut sur le terrain qu’il ne puisse plus reconnaître le visage de leur gardien. Une erreur et puis on frappe à toute vitesse. Tout ceci était malheureusement fort prévisible. Montréal, avec son plan unique qui avait maintes fois démontré ses limites, s’est présenté face à son adversaire sans proposer quoi que ce soit de neuf ou de différent. À ce stade des séries, se dire qu’on va jouer comme on a joué toute la saison, notamment contre une adversaire qu’on n’est pas parvenu à battre, c’est un énorme pari.
2) Montréal a donné un bon spectacle, mais New York aussi
Si l’issue du match n’a pas été favorable aux locaux, il faut reconnaître que Montréal a très bien joué. Certains, comme Alistair Johnston, osaient même parler de la meilleure mi-temps de la saison jouée lors des 45 premières minutes. Sans virer dans l’excès de fierté et de confiance comme notre ami Ali, il faut reconnaître que Montréal a offert du bien bon jeu en première mi-temps, comme en deuxième d’ailleurs. Alors, bien sûr, comme nous en avons discuté au premier point ci-dessus, Montréal aurait pu aborder le match autrement et est en partie responsable de sa déconfiture. Mais dans ce match, il n’y a pas qu’un perdant. Il y a aussi un gagnant. La réalité, c’est que New York a tout simplement triomphé sur le terrain du stade Saputo. Rien de moins. Quand Sean Johnson ne sortait pas des arrêts de grande classe, la défense était, tout le temps, au bon endroit au bon moment. Il suffisait donc, contrairement à Gargamel, d’un peu d’efficacité devant et la table était mise pour rentrer avec le sourire à la maison. Match parfait.
3) Kamal Miller était encore en difficulté
On a parlé des éclosions de divers joueurs cette saison. Koné notamment (gigantesque dans ce match, d’ailleurs). Waterman, qui a décuplé de volume. Johnston, en forte progression une fois placé sur le flanc. Mais à l’autre bout du spectre, il y a aussi ceux dont l’étoile a pâli. Et celui pour lequel ça fait le plus mal, c’est Kamal Miller. Déjà pointé du doigt dans cette chronique lors des derniers matchs de la saison, Miller était directement responsable des deux grosses occasions d’Orlando en première mi-temps lors du quart de finale. Et cette fois, Miller était aux fraises sur le premier but de New York. En fait, la plupart des problèmes causés par New York en première mi-temps venaient du côté patrouillé par Lappalainen (posté beaucoup trop haut, comme Johnston d’ailleurs) et Miller. Bref, ça allait mal pour Kamal. Et comme ça va mal pour Kamal depuis plusieurs matchs, ce n’est pas bon signe du tout, sauf si vous êtes d’origine croate, marocaine ou, comme moi, belge.
Ainsi se termine cette saison. Une fin abrupte diront certains. Pourtant, comme nous l’avons bien expliqué, plusieurs voyants étaient allumés sur le tableau de bord de la Wilmobile. En ouvrant le capot, on voyait même par endroits un peu de fumée s’échapper du moteur. Et puis, on vous avait bien averti la semaine dernière, la météo n’était pas au beau fixe. Les difficultés, offensives notamment, étaient « comme une brume tenace au petit matin qui enveloppe tout d’un flou fantomatique d’où pourrait surgir sans klaxonner l’autobus de la catastrophe ». L’autobus n’a pas en effet pas klaxonné. La fin est donc aussi abrupte que l’apparition soudaine de l’autobus, oui, mais il est connu que dans des conditions difficiles, il faut surtout adapter sa conduite…
Cette saison était historique. Cette saison était porteuse d’espoir. Cette saison nous a fait rêver. Mais d’abord et avant tout, cette saison était un long et riche apprentissage. Cette saison, à bien des égards, marque l’entrée de Montréal dans la cour des grands. Non, Montréal n’a pas soulevé de trophée. Mais Montréal a gagné bien plus que ça. Montréal est devenu un club, un vrai, respectable et respecté. Dix ans après, Montréal est finalement arrivé en Major League Soccer.
Voyons voir, maintenant, comment ce club s’y prendra pour ramener la magie en 2023.