Il y a toujours un petit sentiment de tristesse lors du dernier match à domicile de la saison. Comme un léger vent de mélancolie qui nous ramène vers les mois les plus chauds de l’année, vers les matchs les plus agréables, vers les bons moments passés ensemble en tribune. On regarde les mois d’hiver se dessiner et on a envie de les effacer pour les remplacer par l’odeur de la pelouse fraîchement coupée, le bruit du ballon qui secoue les filets et les explosions de joie de la foule. Cette finale, conclue avec la conquête du trophée, n’y a pas fait exception. Sauf que cette fois, pour beaucoup, on se demandait s’il y aurait une suite, ou du moins, de quoi cette suite aurait l’air. Parce que dans l’univers du football professionnel montréalais, l’avenir n’est pas tout à fait clair. S’il y aura une équipe sur le terrain, on ne sait toutefois pas qui sera là pour la supporter, ni même si la majorité des gens qui nous accompagnent au stade y seront. Pire encore, pour beaucoup, on ne sait même si on va y être nous-mêmes. Mais peu importe, Montréal a gagné. Onze coupes des Voyageurs et trois constats.
1) C’était une étrange finale
Dès l’arrivée aux abords du stade, on ne sentait pas la fébrilité qui aurait dû accompagner une finale. Les gens étaient peu nombreux, amorphes et donnaient franchement l’impression de se rendre à l’arrêt de bus pour aller au travail plus qu’à une finale de coupe. Dans le stade, même chose. Aucune intensité à l’approche du match et un stade aux trois quarts vide à 10 minutes du coup d’envoi. Après 10 premières minutes endiablées en tribune Est, autant du côté local que du côté visiteur, tout est retombé à plat. On sentait quelques efforts ici et là, mais ça faisait franchement « business as usual » dans tous les coins, malgré les vaillants efforts des groupuscules ayant survécu temporairement à la purge. Et sur le terrain, ce n’était pas beaucoup mieux. Montréal se démenait face à un adversaire qui semblait attendre impatiemment que la saison soit terminée. Comme si Toronto savait que la défaite l’attendait, et ne ferait rien pour inverser la tendance. Bref, si les supporters donnaient l’impression se rendre à l’arrêt de bus pour aller au travail, le Toronto FC, lui, était déjà à l’arrêt et consultait le planibus.
2) Mihailovic doit se mettre à tirer
On ne les a pas comptées, mais à vue de nez, Mihailovic a eu 58 021 occasions de tirer lors du match, ce qu’il a fait… une fois. Bon ces chiffres sont approximatifs, vous l’avez bien compris (quoique…), mais ce qui en ressort, c’est que Mihailovic est un type fort sympathique. Trop sympathique, en fait. Au lieu de chercher à donner le ballon en toutes circonstances, il faut savoir reconnaître le moment où il faut prendre ses responsabilités. À plus forte raison encore quand on joue pour une équipe qui peine généralement à se créer des occasions franches. Le mouvement du ballon a permis d’écarter la défense, tu te retrouves à 25 m du but balle au pied avec une fenêtre de tir? Mais tire, Georges, bon sang! Comme on dit toujours : on ne sait pas ce qui peut se passer. Le gardien peut faire une connerie (Westberg n’en aurait pas été à sa première en 2021), le tir peut être dévié, la frappe peut rebondir sur le poteau et revenir dans les pieds d’un coéquipier bien placé… Bref, tire. Ce n’est plus le moment de jouer latéralement.
3) Il faut trouver des latéraux
S’il y a une chose qu’on peut retenir cette saison, c’est bien… eh ben non, ce n’est pas la montée fulgurante de Mathieu Choinière. Faut arrêter un peu avec ça. Le jeune produit de l’Académie a connu une bonne saison, principalement en raison du fait qu’il est arrivé là où on ne l’attendait pas, ce qui est largement dû au fait que ceux qui devaient jouer à sa place ont été franchement nuls. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : Choinière a gagné son poste et le mérite amplement. Or, lors de cette finale, il nous a rappelé à tous (du moins à ceux qui sont capables de regarder un match sans porter de lunettes roses) qu’il avait encore beaucoup à apprendre. Choinière est vite tombé dans des patterns (on arrête, on coupe dans l’axe sur le pied droit et on recommence) quand il ne stoppait pas carrément la progression offensive des siens. Un moment donné, quand Kamal Miller se commet en se lançant sur le flanc, donne-lui le ballon, renvoie pas ça en retrait à Camacho… Et du côté droit, il va falloir accepter que Brault-Guillard n’a pas vraiment progressé lors des deux dernières années. Bref, Montréal compte sur un latéral en plein apprentissage de son poste et sur un latéral qui stagne et n’amène pas suffisamment de poids sur son flanc. Il faudra donc trouver des solutions en vue de 2022, car le système et les principes de jeu privilégiés par Nancy reposent lourdement sur l’appui des latéraux. Vous dites? Si j’étais Olivier Renard? Choinière à droite, Abzi à gauche. YOLO.
Mais peu importe. Malgré ses défauts, malgré ses problèmes, malgré son inaptitude offensive globale, le CF Montréal a remporté un trophée en 2021, et contre son détestable voisin qui plus est. Et ça, ça devrait être suffisant pour nous donner à tous le sourire. Une victoire contre Toronto, en finale de la coupe, c’est pas mal le summum pour le supporter montréalais (pas vrai, Joey?). Pourtant, et c’est là une observation bien personnelle (donc ne vous énervez pas au point de m’envoyer des bêtises via les réseaux sociaux), cela n’a fait que me ramener quelques souvenirs de batailles du passé. Oui, au coup de sifflet final, j’ai jeté un œil dans la tribune Est pour regarder avec un petit sourire en coin les supporters torontois. Par contre, j’étais à des années-lumière des émotions vécues autrefois. Montréal a gagné. C’est bien. Mieux que si Montréal avait perdu, c’est certain. Mais quand les co-capitaines ont soulevé le trophée, j’étais content pour eux, pas pour moi. En 2019, à Toronto, quand le verdict est tombé, je me suis mis à expliquer (par une série de cris euphoriques distordus et incompréhensibles) aux locaux que nous étions chez nous dans leur propre stade. Montréal venait en somme de gagner la coupe de l’Univers. Hier, j’avais juste hâte qu’on remette le trophée pour que je puisse rentrer à la maison…
Ceci conclut une saison absolument incroyable pour Viau Park et principalement pour cette chronique. Vous avez été très nombreux à consulter le site cette saison, malgré une baisse marquée dans la quantité du contenu publié. Les « trois constats » n’ont jamais été aussi populaires que cette saison et je vous suis infiniment reconnaissant pour tous vos commentaires, vos partages sur les réseaux sociaux et vos échanges avec moi. Vous êtes tout simplement fantastiques. Espérons que votre club puisse s’en rendre compte un jour.