Mike Dillon, coéquipier de Souness à Montréal, Pelé à NY et Cruyff à Washington

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Il a été ami proche de Graeme Souness, cochambreur de Pelé et coéquipier de Johan Cruyff. Mike Dillon a donc été un témoin privilégié de la belle époque de la Ligue nord-américaine de soccer (NASL), mais aussi de l’enfance de ce circuit puisqu’il a joué pour l’Olympique de Montréal, dont le passage a précédé celui du Manic.

Espoir de Tottenham, Dillon s’est amené à Montréal en vue de la deuxième (et avant-dernière) saison de l’Olympique dans la NASL en 1972, en compagnie de Souness, lui aussi un espoir de marque du club anglais. Ce dernier allait d’ailleurs un jour le confirmer quand il est devenu capitaine de l’excellente équipe de Liverpool du début des années 1980 et capitaine de la sélection d’Écosse. À l’époque, Dillon et Souness étaient âgés de 19 ans, encore inconnus du public mais débordants de talent et de fougue.

« Graeme et moi, nous étions de grands amis, nous avions fait le même parcours ensemble à Tottenham, mais nous n’avions pas encore fait nos débuts (avec l’équipe première) », a raconté Dillon lors d’un entretien depuis l’Angleterre, où Viau Park l’a retracé. 

« L’opportunité d’aller à Montréal s’est présentée grâce à des contacts, et j’ai dit à Graeme que ça me semblait intéressant, a-t-il raconté. Le club de Montréal allait payer l’avion aller-retour, ils étaient prêts à nous laisser revenir en Angleterre avant la fin de la saison (en prévision du camp d’entraînement)… Nous voyions ça comme une aventure à vivre. »

Dillon et Souness ont donc découvert les charmes de Montréal, c’est-à-dire d’une ville qui, dans les années 1970, était aussi dynamique que les plus grandes villes d’Amérique.

« C’était formidable parce que j’étais un tout jeune homme, c’était la première fois que je me retrouvais loin de chez moi. Je n’étais pas marié à l’époque, ni Graeme… Nous avions quelques groupies, nous allions à un pub pas loin de notre logement, nous pouvions y boire de la bière et jouer aux fléchettes. J’ai bien aimé vivre à Montréal! Nous avons eu des moments formidables, aussi, parce nous voyagions partout en Amérique du Nord en avion pour jouer au football et on nous payait pour le faire!

« Je me souviens d’avoir beaucoup aimé mon été. Pas seulement à cause de l’aspect social, mais aussi le fait de jouer dans une telle ligue. »

L’Olympique jouait à l’Autostade, qui se trouvait dans le sud-ouest de la ville, non loin du Pont Champlain. Dillon se souvient d’avoir joué devant des foules de 2000 à 3000 personnes à cette époque où la NASL évoluait encore dans un relatif anonymat.

« Je vois encore le stade dans ma tête, a dit Dillon. Graeme et moi vivions dans une tour à logements tout près. Je me souviens d’avoir vu un concert des Rolling Stones (à l’Autostade) de notre balcon, nous pouvions voir les foules qui se rendaient au stade. »

Mike Dillon (18) aux côtés de son bon ami Graeme Souness (17) avec l’Olympique en 1972.

L’Autostade était aussi le domicile des Alouettes de Montréal, de la Ligue canadienne de football. Le propriétaire des Alouettes, Sam Berger, était aussi le propriétaire de l’Olympique.

« Je me souviens bien de lui, c’était l’homme d’affaires typique qui mâchouillait toujours un cigare, a raconté Dillon. Je me souviens d’un moment un peu cocasse quand il nous avait convoqué à son bureau, Graeme et moi, parce qu’il voulait savoir ce que nous pensions du manager de l’équipe. Je me souviens des questions qu’il nous avait posées, et d’avoir trouvé ça un peu étrange… » 

La bonne combinaison 
Sur le terrain, Souness et Dillon s’entendaient comme larrons en foire, comme dans la vie. Souness jouait comme milieu de terrain et Dillon, à l’attaque.

« J’aimais ça jouer comme avant-centre parce que j’avais toujours été défenseur, a indiqué Dillon. Graeme me donnait de bons ballons et je les mettais dans le filet. J’ai marqué assez souvent pour me retrouver dans la course pour le championnat des buteurs de la ligue avec Randy Horton du Cosmos de New York. »

Dillon en a effet marqué sept buts en seulement 10 matchs, ce qui lui a permis de terminer troisième buteur de la NASL en 1972, derrière Horton (9 buts) et Paul Child des Chiefs d’Atlanta (8 buts). Souness, lui, avait inscrit deux buts et deux passes décisives officielles.

De nos jours, Souness et Dillon ne se fréquentent plus puisque le premier est analyste à Sky Sports et que Dillon vit à Moulton, un village de 2000 habitants non loin de Newmarket, où il travaille au bureau de poste/magasin général/café dont il était le propriétaire jusqu’à récemment.

« Nous nous parlons au téléphone peut-être une fois par année. Quand même, nous nous sommes retrouvés à Londres en même temps récemment et nous nous sommes vus. Il se souvient encore, lui aussi, de son passage à Montréal », a dit Dillon, qui a par ailleurs longtemps oeuvré dans l’univers des courses de chevaux après sa carrière de footballeur.

De l’Olympique au Cosmos
Les parcours de Souness et Dillon ont divergé à leur retour de Montréal. Le premier a connu une grande carrière avec Liverpool en Angleterre, la Sampdoria en Italie et les Rangers de Glasgow en Écosse tandis que le deuxième, de retour avec Tottenham, a subi une grave blessure au genou en 1974. Celle-ci n’a pas mis fin à sa carrière mais l’a diminué physiquement.

« J’ai continué avec les Spurs jusqu’en 1975 mais à ce stade-là, la seule équipe qui s’intéressait à moi était le Cosmos de New York, a raconté Dillon. Leur entraîneur, Graham Bradley, avait joué contre nous (l’Olympique) en 1972, il se souvenait de moi. Il m’a donc fait signer un contrat avec le Cosmos en 1975 et j’ai joué dans cette ligue jusqu’en 1980. »

Mike Dillon avec le Cosmos en 1977.

Sans tambour ni trompette, Dillon aura donc connu une carrière qui s’avérera somme toute fort respectable, une carrière qu’il aura appréciée, sans ressentir le moindre regret. Il sait qu’il aura eu le privilège de vivre les plus belles années dans l’histoire de la NASL, lui qui a côtoyé Pelé, le légendaire joueur brésilien, quand celui-ci s’est amené au Cosmos en 1975 et Cruyff, joueur-clé de l’équipe des Pays-Bas qui a marqué l’histoire du foot au début des années 1970, avec les Diplomats de Washington.

« J’ai joué trois saisons avec Pelé (de 1975 à 1977), a noté Dillon. Ç’a été un fait saillant pour moi, parce que c’est à ce moment qu’on a commencé à parler davantage de la NASL, que Warner Brothers, propriétaire du Cosmos, y a mis toute la gomme en terme de marketing. Les médias ont accordé une meilleure couverture et les foules ont commencé à être plus imposantes. On dirait que ça rendait tout ce que je vivais plus ‘vrai’. »

Pelé… et Chinaglia
Dillon a par ailleurs eu l’occasion de constater que Pelé, l’homme public, était tout aussi gentilhomme en privé.

« Il aimait discuter avec tous les joueurs dans l’équipe, il se mêlait aux autres au bar de l’hôtel, a indiqué Dillon. J’ai été un des rares (avec le Cosmos) à avoir été un de ses cochambreurs. Mais ça n’a pas duré longtemps, ils ont fini par lui donner une chambre à lui tout seul parce qu’il y avait toujours des gens partout dans sa chambre, des gens qui voulaient réaliser une entrevue avec lui, des caméras… Les dirigeants estimaient que ce n’était pas juste pour moi de m’enlever mon intimité ainsi. »

Dillon a aussi joué avec Giorgio Chinaglia, un excellent joueur en Italie – il a marqué 98 buts en 209 matchs avec la Lazio dans les années 1970 – qui est devenu une véritable machine à marquer avec le Cosmos (262 filets en huit saisons). Il était l’antithèse de Pelé au chapitre de la personnalité.

« J’aimais bien Giorgio parce qu’il adorait jouer au poker. Il était, comment dire… grosse tête, extraverti, a indiqué Dillon. La mode, à l’époque, c’était de donner des surnoms aux joueurs et on l’avait surnommé ‘The Italian Stallion’. Il n’avait pas aimé ça du tout! »

Dillon s’est ensuite retrouvé à Washington en 1978, là où il a côtoyé Cruyff en 1980.

« Il avait un peu de Chinaglia dans le nez, a dit Dillon. Il fumait des cigarettes Camel, il parlait six ou sept langues, il était un peu au-dessus de ses affaires. Mais il était un joueur plus complet que Pelé, selon moi. »

Au travers tout cela, Dillon a fait son bonhomme de chemin.

« J’ai bien aimé cette époque de ma vie, a souligné Dillon, qui a continué de vivre aux États-Unis pendant de longues années après avoir accroché ses crampons. En 1980, quand j’ai décidé de prendre ma retraite, la ligue commençait à être chambranlante, il y avait des équipes qui connaissaient des difficultés. Mais on pouvait déjà voir qu’un jour, les enfants américains qui avaient commencé à pratiquer le soccer allaient ramener ce sport-là en force. Des joueurs comme Pelé, et même des joueurs comme moi, je pense que nous avons jeté les bases pour que les jeunes aient le goût de pratiquer un autre sport (que le football, le baseball ou le basketball). Les Américains sont naturellement bons comme athlètes et ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils deviennent bons au soccer. »