Certains prétendent que l’identité de feu l’Impact de Montréal importe peu. Que, quel que soit le logo ou le nom, ce qui compte se passe sur le terrain. Bref, que le contenant n’est pas ce qui compte. Ce qui compte, c’est le contenu. C’est pourquoi Viau Park a choisi d’aller voir au-delà de la peinture apposée sur un panneau indicateur installé au bord de la rue Sherbrooke.
Maxime Turpin est arrivé à Montréal à l’été 2013. Peu de temps après, ce passionné de football se retrouvait en tribune au stade Saputo et « tout naturellement », l’Impact était devenu le centre de son attention footballistique au Québec. Quand le club a annoncé son changement d’identité, il s’est tout de suite senti interpellé. Membre des Ultras Montréal (UM02) depuis quelques années, il n’a pas hésité à apporter son appui à l’Association des supporters de l’Impact de Montréal (ASUP) afin d’organiser une petite manifestation pour le retour du nom Impact de Montréal. Elle a eu lieu samedi dernier devant le stade Saputo. Viau Park s’est entretenu avec lui.
Viau Park : Tu suis l’équipe depuis plusieurs années, en tribune, à Montréal et souvent sur la route. Qu’est-ce que l’Impact de Montréal signifie pour toi?
Maxime Turpin : Pour moi, l’Impact de Montréal représente le soccer au Québec. C’est en quelque sorte la vitrine, notre fierté : si l’Impact gagne, c’est tout le Québec qui est gagnant. Le nom Impact de Montréal est ancré dans l’esprit des gens qui aiment ce sport et ce, partout dans la province. Seul club francophone en Amérique du Nord, il a été le club de Drogba, Nesta, Piatti, Bernier, Gerba, Camara, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce club, c’est l’académie, des jeunes avec les 6 lettres en tête, sur le terrain tout comme dans leurs rêves.
VP : Pourquoi est-ce important pour l’ASUP, les UM02 et les supporters en général de préserver le nom que le club a adopté en 1992?
MT : Les supporters, mais aussi les simples spectateurs, s’attachent à une équipe, son nom, ses couleurs ainsi qu’à tout ce que ça représente à leurs yeux. Le nom a aussi son importance vis-à-vis de l’équipe adverse et ses supporters. Un nom, c’est une identité, une histoire. Les joueurs mouillent le maillot et se battent pour le faire briller, les supporters redoublent d’initiatives (tifos, chants, bannières, etc.) pour le faire résonner encore plus fort dans les tribunes ici tout comme à l’étranger. L’Impact de Montréal avait déjà un rayonnement à l’international, grâce à ses supporters, mais surtout grâce à ses joueurs et à son parcours, qui nous a fait rêver grand plus d’une fois.
VP : Certaines personnes préfèrent ne pas s’intéresser à tout ce qui touche l’identité du club, prétendant que ce qui compte se passe sur le terrain. Qu’aurais-tu à leur dire pour les convaincre que l’identité est importante?
MT : Ce qui se passe sur le terrain est évidemment primordial. Et c’est là qu’on peut voir l’importance du nom d’un club et pourquoi il ne doit pas être effacé : il symbolise sa fierté de même que tous les efforts qui ont contribué à forger son histoire. Évidemment, les efforts produits sur le terrain par les nombreux joueurs qui ont porté le maillot sont fondamentaux et contribuent directement au rayonnement du club. Ils ont gravé à tout jamais le palmarès de l’Impact et du soccer québécois, peu importe leurs origines et leur parcours.
VP : Des fans prétendent que si les supporters ne soutiennent pas ce changement d’identité, l’équipe risque de déménager. Qu’avez-vous à leur répondre?
MT : C’est un argument très difficile à entendre, car les Ultras ont toujours soutenu le club et ce, dans les bons moments comme dans les mauvais. Nous, les UM02, démontrons depuis plus de 18 ans notre amour et notre fidélité pour l’Impact de Montréal. Nos critiques ont toujours eu pour but d’essayer d’améliorer le club et le rendre plus proche de ses supporters. Nous n’avons jamais appelé au boycott des abonnements de saison. Nous comprenons toutefois le sentiment de trahison qui peut habiter ceux qui ont décidé de quitter l’aventure. Évidemment, il est impossible d’augmenter l’assistance et l’intérêt envers le club en se mettant à dos sa base de partisans les plus fidèles, particulièrement les groupes de supporteurs. Si, par malheur, il advenait que le club ait à déménager, la direction n’aurait qu’elle-même et ses mauvaises décisions à blâmer.
VP : L’Association des supporters a organisé samedi une manifestation devant le stade, où une cinquantaine de personnes étaient présentes. Quel est le bilan que vous en faites? Était-ce un succès? Les résultats sont-ils plutôt mitigés?
MT : Avec les mesures sanitaires en place et à respecter, nous ne voulions pas faire une énorme manifestation, sinon nous nous y serions pris différemment. Le but était de faire une marche symbolique qui réunirait plusieurs groupes de supporteurs ainsi que des partisans indépendants. Nous avons travaillé conjointement avec les forces de l’ordre pour que le tout se déroule bien, incluant une entente sur un nombre maximal de manifestants, qui a été respectée.
Le résultat de la manifestation est donc positif, même si un malheureux événement est venu l’assombrir. Étant moi-même un des organisateurs, je déplore et condamne en mon nom personnel ainsi qu’au nom de l’ASUP toute forme de vandalisme, incluant le graffiti dessiné sur la pancarte du nouveau logo. Cela ne reflète pas l’image que nous désirons projeter et permet malheureusement à nos détracteurs de faire des amalgames entre groupes de supporters et grabuge.
VP : Le club a indiqué au Journal de Montréal dans un article paru le 8 février que « la pression de quelques individus […] ne nous [fera] jamais revenir en arrière sur des décisions du club ». Qu’avez-vous à répondre?
MT : D’abord, en parlant de « quelques individus », cela démontre à quel point ils sont déconnectés de la réalité : l’ensemble des groupes de supporters se sont exprimés contre la nouvelle identité de même que plusieurs abonnés de saison, sans compter des journalistes et des anciens joueurs. La pétition demandant le retour du nom a, à ce jour, plus de 5 500 signataires. Nous savons bien que la personne en charge du projet de changement d’identité ne souhaite pas faire marche arrière, mais nous savons également que le patron, c’est Joey Saputo. C’est son projet, son rêve. S’il décide de revenir au nom Impact de Montréal, il le peut certainement.
VP : La situation semble être dans une impasse. Y a-t-il une forme de compromis que vous seriez prêts à accepter quant à l’identité du club?
MT : Il arrive que des équipes professionnelles qui veulent mousser les ventes de produits dérivés modifient les couleurs des maillots, ajustent les logos. Nous connaissons le monde du football et nous en comprenons les enjeux. En conséquence, je pense que nous aurions facilement pu accepter quelques modifications, s’il y avait eu une continuité. Mais changer le nom, c’est complètement différent! Retirer le nom Impact, c’est un manque de respect aux vingt-huit années précédentes. Nous ne pouvons accepter que l’histoire soit ainsi effacée. Je pense que l’équipe marketing avait envie de marquer de son empreinte le club mais, au final, ils sont uniquement en train de tout saboter. C’est dramatique de laisser ainsi le contrôle de l’identité d’un club à ces gens sans scrupule ni passion. Ils tentent de surcroît de faire accepter cette trahison comme un succès alors qu’il s’agit clairement du contraire. Nous sommes donc fermement opposés à cette nouvelle identité.
VP : Prévoyez-vous organiser d’autres manifestations ou événements en lien avec le changement d’identité du club?
MT : Oui, nous prévoyons effectuer d’autres actions, et ce, tant que le nom de l’Impact ne sera pas restauré. Bien sûr, les manifestations et rassemblements se feront toujours en collaboration avec les autorités concernées. D’autres communiqués, ainsi que des actions variées, suivront.