Le Forge FC a remporté un deuxième championnat de la Première ligue canadienne (PLC) d’affilée grâce à sa victoire de 2-0 en grande finale, samedi, mais ce n’est pas là le seul exploit digne de mention survenu à cette occasion. La présence des HFX Wanderers dans cette finale en est un autre, tout comme la présence du Montréalais Alessandro Riggi au sein du onze de départ de la formation des Maritimes.
Que les Wanderers, club qui comptait le plus fort contingent de joueurs du Québec dans la PLC cette année, aient atteint la finale après avoir pris le deuxième rang dans la première phase du championnat 2020 de la PLC, puis encore dans la phase de groupe à quatre, c’est effectivement digne de mention, puisque la formation de Halifax avait terminé au tout dernier rang du championnat d’automne en 2019.
Et que Riggi ait été de la partie, samedi, est un cadeau du ciel pour le milieu de terrain de 26 ans qui, lors de son entretien avec Viau Park en février dernier, était hanté par le doute en raison d’une blessure mystérieuse que personne ne parvenait à élucider depuis plus d’un an. Il se demandait s’il allait jouer à nouveau.
Mais voilà que Riggi, sept mois plus tard, peut se targuer d’avoir disputé huit des 11 matchs des siens à Charlottetown cet été, dont six comme titulaire, obtenant 471 minutes de jeu. L’ancien académicien de l’Impact peut désormais regarder vers la saison 2021 avec optimisme.
Une finale inespérée
Viau Park: Parle-nous de ce que représente ce parcours jusqu’en finale pour les Wanderers.
Alessandro Riggi: On est très content. Il y avait seulement sept joueurs de l’édition 2019 de retour cette année, tous les autres étaient nouveaux. Et on n’a pas eu beaucoup de temps pour s’entraîner ensemble – deux semaines avant la pandémie, puis deux semaines et demie durant la phase 3 du retour au jeu. Une vrai présaison, c’est six semaines avec six ou sept matchs préparatoires, alors que là, on n’en a eu aucun. On avait l’impression que ça allait être compliqué, mais on y est allé avec confiance et les gars s’entendaient très bien. C’est ce qui nous a aidé, la chimie était excellente.
VP: Dans toute l’équipe, pas juste entre les Québécois?
AR: L’équipe au complet. C’était un groupe spécial. Le premier match, on a fait 2-2, on a commis des erreurs mais on les a corrigées tout de suite, et on a fini par terminer deuxième dans la première phase. Déjà, de se retrouver dans le carré final, pour les dirigeants du club, c’était un exploit majeur. C’est dommage qu’on ait perdu en finale, mais ç’a été une saison dont l’organisation va se rappeler longtemps. Il y a beaucoup d’éléments sur lesquels on peut bâtir.
VP: Tu as parlé des erreurs vite corrigées, de l’esprit d’équipe… L’entraîneur des Wanderers est Stephen Hart, l’ancien sélectionneur du Canada. J’imagine qu’il a eu un rôle à jouer dans les succès de l’équipe?
AR: Oui, tous les entraîneurs étaient vraiment à leur affaire. Aucun détail ne leur échappait, on faisait au moins une séance vidéo par jour, ils étaient très bons aussi pour analyser ce qu’on faisait de bien. Par exemple, notre pressing. Les équipes adverses ne savaient pas comment réagir à ça. On gagnait le ballon haut et on profitait des erreurs que ça provoquait.
Un penalty aurait tout changé
VP: La finale s’est terminée 2-0, mais avec un but un peu venu de nulle part en toute fin de match, et c’était 0-0 à la mi-temps. Un des jeux-clés en première demie, c’est quand tu as tiré au but et que le ballon a frappé le bras d’un joueur du Forge, mais l’arbitre n’a pas décerné de penalty. Craig Forrest, l’analyste au réseau CBC, a dit que ce n’était pas un penalty à son jugement, mais que les Wanderers avaient raison de se plaindre de cette non-décision en raison du grand nombre de penalties qui avaient été donnés pour moins que ça durant la saison… Ton avis?
AR: Le penalty qu’on a concédé contre le Forge plus tôt cette saison, les arbitres ont donné un penalty et ç’a permis au Forge de faire match nul 1-1. Si on regarde l’action, c’est six fois moins une faute de main que l’action qu’on a vue en finale. Or, la seule chose qu’on demande aux arbitres, c’est la constance. Si on avait laissé passer cette action comme on a laissé passer celle en finale, j’aurais trouvé ça correct. Et si on l’avait donné aussi en finale, c’est 1-0 pour nous et le match change.
Mais on ne peut pas blâmer les arbitres pour la défaite, c’était à nous de créer plus d’occasions. Le Forge nous a surpris aussi un peu. Après avoir joué ballon au pied durant la saison, en finale ils se sont mis à balancer des longs ballons vers l’avant, et ça nous a déstabilisé.
VP: Comment évalues-tu ta propre performance en finale?
AR: Je ne me sentais pas à 100 pour cent, mais c’est normal après avoir passé presque deux années sans jouer. J’ai joué cette saison, mais ç’a été court comme championnat, j’ai eu seulement sept semaines pour retrouver la forme, ce n’est pas beaucoup. J’ai joué le rôle que je devais jouer en finale, mais j’aurais voulu faire mieux.
La guérison, enfin!
VP: Reste que le simple fait d’être sur le onze de départ en finale, ça doit être une victoire personnelle pour toi?
AR: Oui!
VP: Ta blessure, c’est réglé maintenant, ou il y a encore des doutes?
AR: C’est réglé. Quand je suis arrivé à Halifax, fin février, j’étais encore incapable de faire de la course. J’avais encore de la douleur dans les mollets, c’était compliqué. Puis la COVID est venue tout arrêter. Ce qui, dans les faits, m’a aidé puisque ça m’a donné deux à trois mois de plus (pour guérir) et ç’a fait toute la différence. J’ai donc continué mes étirements, mes bains contraste, à manger vegan, ce sont les seules choses qui aidaient. Pendant le confinement, j’ai pu commencer à courir un peu. Une fois par trois jours, puis par deux jours, à raison de deux fois huit minutes, deux fois 10 minutes. Rien de sérieux!
Puis, quand est venue la phase 1 du retour au jeu, j’ai participé aux entraînements en groupes de quatre, mes mollets faisaient encore mal, mais je sentais cette fois que mon corps commençait à mieux récupérer et allait me permettre d’en faire plus (à l’entraînement) la fois suivante. Je me suis donc mis à pousser de plus en plus fort. Puis, la chance m’a souri : trois jours avant le premier match de la saison, je n’avais plus de douleurs dans les jambes. Je n’en revenais pas! Je pouvais faire n’importe quoi sur le terrain, je courais, je changeais de direction et ça ne faisait plus mal. J’étais vraiment content ce jour-là.
VP: Ça se passait comment avant, quand ça ne s’améliorait pas?
AR: L’année passée, si je m’entraînais et que j’avais une crampe, ou encore après cinq ou 10 minutes de course, mes jambes me lâchaient, tout simplement. C’était fou.
VP: Et tes premiers matchs cette saison?
AR: Le premier match, je n’avais pas de douleur, mais physiquement ç’a été un des matchs les plus difficiles de ma vie. J’étais en retard dans le pressing, ou quand j’avais le ballon, je n’avais pas les jambes pour dribbler. Je n’avais pas joué un match depuis deux ans et trois mois, alors quand je recevais le ballon, j’étais perdu, j’avais l’impression que ça allait à 100 milles à l’heure autour de moi. J’ai compris qu’il faudrait que je m’adapte vite si je voulais continuer à jouer – d’ailleurs, je n’ai pas disputé les deux matchs d’après. Puis, dans un match contre Edmonton, j’ai commencé le match et je me suis dit ‘c’est maintenant ou jamais’ et j’ai vraiment fait un bon match. J’étais encore en méforme, mais je me sentais un peu plus libre dans mon jeu.
VP: Même si ta finale n’a pas été à ton goût, j’imagine que maintenant, tu es plus optimiste pour la suite?
AR: Oui. (En février dernier) j’étais proche de penser que ma carrière était terminée. Ça faisait un an et demi que j’avais les mêmes problèmes, j’avais fait plein de tests et je consultais plein de gens sans qu’ils puissent m’aider… Je ne voyais pas la lumière au bout du tunnel. Là, mon corps me dit que ça va bien, on ne regarde plus derrière. Cet hiver, je vais me mettre en forme pour vrai, il n’y aura plus d’excuses l’année prochaine… Cette année, ce n’était pas encore le Riggi que je pense pouvoir être, alors je veux retrouver le niveau que je sais que je peux atteindre.