L’autre Samir de Beauport

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Comptons ensemble ce qu’ont en commun l’équipe senior féminin du Royal Sélect de Beauport et l’équipe féminine des Dynamiques du cégep de Sainte-Foy, qui évolue dans le réseau collégial AAA.

Un : Il s’agit de deux équipes de la région de Québec.

Deux : Il s’agit de deux équipes de la région de Québec qui ont remporté le championnat canadien cet automne.

Trois : Il s’agit de deux équipes de la région de Québec qui ont remporté le championnat canadien cet automne et qui ont la même personne au poste d’entraîneur-chef : Samir El Akkati.

Et ces trois éléments ont un lien de cause à effet.

« C’est un garçon qui est très méthodique et très patient, c’est un grand travaillant », a dit Samir Ghrib, directeur technique du club de Beauport, d’El Akkati, un homme né à Québec de parents marocains. « C’est quelqu’un qui bosse, qui est très passionné par ce qu’il fait, il est heureux dans le coaching, et il avance étape par étape. »

Le club de Beauport a déjà une identité forte, mais n’empêche qu’El Akkati a contribué de façon tangible à renforcer cette identité, estime Ghrib, qui souligne par ailleurs le fait que celui qui agit aussi comme directeur technique adjoint du programme féminin de Beauport a « tout ramassé » en terme d’honneurs remis aux entraîneurs en 2019 : entraîneur de l’année AAA au Gala de l’ARSQ, entraîneur de l’année d’une équipe féminine dans la LSEQ, entraîneur de l’année du réseau collégial AAA au Québec et aussi au Canada.

« À Beauport, le soccer féminin a toujours été fort, mais quand même, en cinq ans, il a qualifié l’équipe quatre fois aux championnats canadiens (et l’a emporté aussi en 2016). Il a une méthodologie de travail, une philosophie de travail, a souligné Ghrib. Et dans le collégial à Sainte-Foy, c’est la même patience, le même professionnalisme.

« Je suis très content pour lui parce qu’il le mérite. Franchement, c’est exceptionnel ce qu’il est en train de vivre là, a ajouté Ghrib. Et ce qui est encore plus beau, c’est que d’ici la semaine prochaine, il va être papa pour la première fois! »

Viau Park s’est entretenu avec El Akkati afin de connaître la recette de celui qui est enseignant au collège privé Saint-Jean-Eudes à Québec – où il s’occupe aussi du programme de soccer, évidemment!

« Il y a beaucoup de similarités, mais je vais vous donner surtout les différences entre les deux (équipes), a déclaré El Akkati. C’est là, je pense, que se trouvent les enjeux. »

Car évidemment, le contexte n’est pas exactement le même à Beauport qu’à Sainte-Foy. Au collégial, El Akkati n’a ses joueuses que pendant deux ou trois ans. Tandis qu’en senior, les joueuses restent plus longtemps et il peut se permettre d’y aller d’un travail de plus longue haleine.

Beauport : un moule… souple
C’est d’autant plus un travail dans la durée qu’à Beauport, le travail de développement commence en bas âge.

« Il y a toujours des jeunes du club qui arrivent (en senior) et qui sont déjà dans le moule, a indiqué El Akkati. Depuis qu’elles sont toutes petites, on les développe dans une façon de jouer où tout le monde est impliqué offensivement, tout le monde est impliqué défensivement.

« Nous (l’équipe senior), on est installé dans un 4-3-3. Les mouvements sur le terrain, tout ça, il y a des automatismes, a par ailleurs noté El Akkati. Les joueuses ont été habituées à tous les schémas, elles ont joué à plusieurs positions quand elles étaient plus jeunes.

« Le moule qu’on a à l’heure actuelle, c’est qu’on est une équipe très vive, très rapide, très forte techniquement. On est un peu une équipe caméléon, on est capable d’être compact défensivement et de partir sur contre-attaque, comme on est capable de jouer en attaque placée. On peut s’adapter pas mal à tout ce que les équipes adverses vont nous proposer.

« Je m’occupe aussi de l’équipe réserve, ce qui fait que je peux préparer les joueuses en vue du haut niveau. On prend le temps de passer par la formation en U-21, et c’est assez rare qu’une joueuse qui arrive avec l’équipe senior n’est pas prête à jouer avec la grande équipe.»

El Akkati a aussi adopté une approche empreinte de souplesse dans la gestion de son effectif.

« On a des joueuses qui jouent aussi dans les réseaux collégial et universitaire, qui sont sur le marché du travail, et on a même une joueuse comme Gabrielle Lapointe, commence par expliquer El Akkadi. L’enjeu, c’est de trouver le juste milieu entre la performance et la nécessité de leur donner un peu d’air, pour qu’elles puissent partir en vacances et nous revenir à 100 pour cent.

« Par exemple, j’ai des joueuses qui partent parfois un mois en vacances. Elles ne ressentent pas la pression de devoir rester avec l’équipe à tout prix (toute la saison). Elles savent qu’elles peuvent partir la tête en paix, qu’on est un gros groupe et quand ça va compter, tout le monde va être là. »

En accordant ces ‘airs lousses’, le club y gagne au change selon El Akkati puisque l’engagement des filles s’en trouve décuplé.

« Elles sont là peut-être 80 pour cent du temps mais dans ce 80 pour cent, elles sont là pour vrai, a souligné l’entraîneur. Ce n’est pas ça qui fait en sorte qu’on gagne ou qu’on perd, mais ça fait en sorte qu’elles sont bien dans notre environnement. »

Les Dynamiques, comme des pros
À la barre des Dynamiques depuis quatre ans, El Akkati a guidé cette année un groupe qui constitue, en fait, sa deuxième génération de joueuses en terme de recrutement. Le fil conducteur, c’est qu’il préconise une approche professionnelle au chapitre de l’intensité du jeu, de l’exécution tactique et de l’encadrement.

C’est ainsi qu’il demande à ses joueuses de rehausser leur niveau par rapport à ce qu’elles devaient offrir à l’école secondaire, mais en retour il leur offre aussi un environnement à la hauteur de ces exigences.

« Que ce soit la préparation mentale, la physiothérapie, la préparation physique, on a essayé de professionnaliser le travail qu’on fait avec elles, parce qu’on fait un gros travail de formation, a indiqué El Akkati. On les amène à l’autonomie sportive afin qu’elles soient capables de s’entraîner par elles-mêmes, de faire attention à leur corps, de bien faire une préparation invisible. »

Dans cette optique, El Akkati travaille aussi en amont en s’assurant de recruter des joueuses qui ont les atouts nécessaires pour répondre à ces exigences, physiquement et mentalement.

« Il n’y a aucune joueuse qu’on recrute dans notre groupe sans l’avoir vue de 10 à 15 fois dans les deux années précédentes, a-t-il affirmé. On fait le suivi aussi avec les entraîneurs qui les côtoient. Ça veut dire qu’en terme de comportement sur le terrain, de comportement dans un groupe, c’est assez rare qu’on a une surprise. »

Ça donne de bons résultats sur le terrain, de toute évidence, mais ça donne aussi de bons résultats au niveau individuel puisque des joueuses des Dynamiques se retrouvent régulièrement au Rouge et Or de l’université Laval (10 joueuses de l’édition de cette année ont évolué au cégep de Sainte-Foy), mais aussi dans d’autres universités québécoises et même ailleurs.

« Mon travail, c’est lorsqu’elles sortent de notre programme, qu’elles soient de meilleures athlètes, mais surtout de meilleures personnes », a indiqué El Akkati.

Le dénominateur commun
El Akkati a mis l’accent sur les différences entre ses deux équipes championnes nationales, mais il y a évidemment un élément commun: El Akkati lui-même.

« Le dénominateur commun de tout ça, c’est que (El Akkati) est un passionné, a noté Ghrib. Et c’est sa passion qui lui permet de durer, d’avancer, de progresser. Il a une vision. Il ne se décourage pas.

« Il a aussi une autre qualité : il a appris à travailler sur lui-même. Il n’hésite pas à se remettre en question. Et je pense qu’aujourd’hui, dans le coaching moderne, c’est un gage de succès. Parce que tu fais face à une génération complètement différente, une génération exigeante, et il arrive à leur vendre un fil conducteur.

Un fil conducteur… qui mène régulièrement aux championnats canadiens.