Première saison réussie pour la Première ligue canadienne

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On l’attendait avec impatience et on n’a vraiment pas été déçus : la Première ligue canadienne (PLC) a réussi son entrée en scène. Nous voilà maintenant rendus à la finale, qui se jouera en deux matchs, les 26 octobre et 2 novembre et mettra aux prises les deux belligérants attendus : le Cavalry FC et le Forge FC. Il ne nous reste plus qu’à savourer les derniers moments de l’an 1, à propos duquel nous vous présentons ici quelques réflexions.

Des joueurs qui sortent de l’anonymat
On le disait depuis longtemps : sans championnat national, difficile pour les jeunes joueurs canadiens de pouvoir se révéler. Nombreux sont ceux qui ont dû s’exiler pour pouvoir espérer vivre de leur sport, avec plus ou moins de réussite. Pour chaque Bernier ou Hutchinson, combien y a-t-il eu de Wyn Belotte? Pire encore, combien ont simplement abandonné le projet ou sont passés sous le radar par manque de visibilité? Cette ère semble bel et bien révolue. Il y a 10 mois, peu d’amateurs de soccer du pays connaissaient le nom de Tristan Borges (Forge FC) ou de Marco Bustos (Valour FC). Ils occupent désormais une place de choix dans le paysage, comme d’autres jeunes joueurs canadiens prometteurs, entre autres Tyler Attardo (Valour FC), Nico Verhoven (Pacific FC), Terran Campbell (Pacific FC), Diyaeddine Abzi (ex- Blainville, York 9 FC), Nathan Ingham (York 9 FC), Marco Carducci (Cavalry FC), Easton Ongaro (FC Edmonton) et Amer Didic (FC Edmonton). Et forcément, il y en aura qui s’ajouteront à la liste au fil des ans. En une petite saison, toute l’importance d’un championnat national pour le développement des jeunes joueurs locaux a été largement démontrée. À la clé, des invitations en équipe nationale senior pour Marco Carducci et Amer Didic. Qui aurait parié là-dessus il y a un an?

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La carrière de Marco Carducci a décollé en 2019, grâce à PLC.

Un engouement d’un océan à l’autre
Des tribunes pleines du Wanderers Grounds à Halifax au petit stade bien coquet du Pacific FC à Victoria en passant par tout ce qu’on a pu voir entre les deux, on ne peut que constater que le projet de championnat national a commencé sur de saines bases. Mieux encore : les candidats à l’expansion font déjà la file. Le commissaire de la ligue, David Clanachan, révélait dans une récente entrevue sur Onesoccer qu’il comptait donner bientôt des nouvelles sur l’arrivée d’éventuels nouveaux clubs en 2020 ou plus tard, se disant notamment en pourparlers avec deux groupes dans l’ouest et au moins un groupe au Québec. Il affirmait aussi que la ligue avait l’intention de s’installer dans toutes les provinces du pays. L’excitation ressentie lors des premiers mois d’activités de la ligue a laissé place à une approche bien plus prudente : finies les déclarations à l’emporte-pièce (du genre « Un club… non, deux clubs! On y va! »), on a plutôt l’intention de prendre le temps de faire les choses comme il faut pour s’assurer que les clubs qui arrivent aient les reins solides. Car bien qu’avec somme toute peu de ressources et beaucoup de volonté on puisse arriver à un résultat extraordinaire (voir Halifax), il ne faut toutefois pas perdre de vue que ce ne sont pas tous les marchés qui seront faciles à percer. Près des grands centres, par exemple, il faudra redoubler les efforts pour s’intégrer au sein d’une offre « divertissement » très étoffée. Mais l’envie est bien présente et pour le moment, c’est ce qui compte.

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Halifax est folle de ses Wanderers.

Du succès sur la scène nationale… et continentale
Quelques semaines avant le début des opérations, on pouvait répartir les observateurs en trois clans : ceux qui croyaient que le niveau de jeu dépasserait à peine celui du semi-pro (League 1 Ontario et Première ligue de soccer du Québec), ceux qui croyaient que le niveau ne serait pas trop loin de celui de la USL et ceux qui n’en avaient aucune idée. Là où tous s’entendaient probablement, c’est que ce serait difficile en Coupe du Canada et encore plus en Ligue CONCACAF. Or, les deux meilleurs clubs de PLC ont mis les points sur les i et les barres sur les t assez rapidement. Tout d’abord, le Cavalry FC a éliminé les Whitecaps de Vancouver en coupe avant de s’incliner non sans mérite face à l’Impact de Montréal. Puis, le Forge FC s’est signalé en Ligue CONCACAF en disposant du champion guatémaltèque, Antigua GFC, en huitièmes de finale, puis en battant le CD Olimpia à Hamilton avant de trébucher lourdement au Honduras lors du match retour, sans pourtant ne jamais avoir eu l’air ridicule. Une première sortie hors du Canada fort réussie pour la PLC qui démontre que le niveau de son jeu est bien acceptable, fort loin de la catastrophe annoncée par ceux et celles qui ne croyaient pas à la viabilité du projet. Bref, le championnat du Canada a montré qu’il n’avait rien à envier au second échelon américain. Prends ça, Ottawa.

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Le oranges se sont forgé un nom sur la scène continentale.

Un marketing puissant
Le marketing ne se résume plus à faire de la publicité. De nos jours, un solide plan de marketing diversifié est ce qui façonne l’image d’une ligue. Et sur ce plan, la Première ligue canadienne a réussi sa mission. Le chemin s’annonçait cahoteux, mais la ligue a su naviguer entre les pièges et a remis une feuille de route presque parfaite. Ses associations à des partenaires clés comme Mediapro (Onesoccer) pour la réalisation et la diffusion des matchs et Macron pour les uniformes et vêtements d’équipe lui ont permis de se donner une image résolument professionnelle dès ses premiers pas. Ce qu’il fallait éviter à tout prix, c’est de tomber dans les matchs filmés par des amateurs (RIP Puerto Rico Islanders) et diffusé sur des streams de qualité douteuse. Évidemment, le look des équipes devait aussi être parfait et la possibilité de travailler avec Macron pour personnaliser les tenues a été un grand avantage pour gagner en crédibilité. Bref, de l’extérieur, la ligue a l’air à la fois solide, professionnelle et sérieuse. Mission accomplie.

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En travaillant sérieusement et avec ambition, on arrive généralement à quelque chose de franchement réussi. Comme au Pacific FC.

Tout n’est cependant pas rose
Comme dans tout nouveau projet, il y a évidemment place à l’amélioration. Notamment sur le plan du calendrier. Celui de cette première saison de PLC était si chaotique qu’il était presque impossible de suivre la progression de la saison. Comment est-il possible qu’avec sept équipes, on ait trouvé le moyen d’avoir à certains moments de la saison des équipes avec trois matchs en main sur d’autres? Que malgré les distances à parcourir, certains clubs aient à jouer trois matchs en six jours dans trois villes différentes? S’il y a un gros point à améliorer en vue de 2020, c’est bien celui du calendrier.

Autre bémol : la difficulté à trouver des statistiques pertinentes sur la compétition. Le nombre de buts et de passes décisives, c’est bien, mais on veut aller au-delà de ça. Par exemple, le nombre de minutes jouées par les joueurs, le nombre de fois qu’ils ont été titularisés et toutes ces choses qu’on voit toujours, partout, tout le temps. Par exemple, il est impossible de se faire une idée claire de la saison de Diyaeddine Abzi, outre le fait qu’il a obtenu quatre passes décisives. Dans les faits, Abzi a aussi marqué un but et a amorcé la grande majorité des matchs de York 9 FC. Mais dans l’immédiat, c’est impossible de savoir tout ça en consultant les statistiques disponibles. C’est franchement dommage.

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L’an 1 est une réussite, mais il reste des irritants. Peut-être un peu trop pour Michael Silberbauer, récemment congédié par le Pacific FC.

Et pour terminer, bien que la ligue soit parvenue à se donner une solide image comme nous l’expliquions ci-dessus, elle souffre toutefois de son absence dans les médias sportifs, notamment les grandes chaînes spécialisées que sont les TSN/RDS, Sportsnet et TVA Sports. Heureusement, la ligue est parvenue à une entente pour diffuser des matchs (dont la finale) à CBC, mais il reste énormément de travail à faire pour s’intégrer au paysage sportif canadien, ne serait-ce que par écrit, sur les sites des médias mentionnés ci-dessus. Comment est-il possible que TSN propose un onglet Bundesliga sur son site, mais ne présente aucun contenu sur la PLC? Il faut abattre les murs.

Bref, l’an 1 de la Première ligue canadienne est une réussite et l’avenir est largement prometteur, et le mélange d’ambition et de prudence qui transparaît actuellement est de bon augure pour la suite des choses. S’il reste de dures batailles à livrer, il ne faut toutefois pas perdre de vue que le Canada a fait un pas de géant dans le monde du soccer au cours des derniers mois. Ce n’est pas parfait, mais c’est à nous, c’est divertissant et l’avenir s’annonce passionnant. Avec ou sans équipe au Québec.