2019 : La grande déception

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Déception. C’est le mot qui vient en tête quand on pense à la saison 2019 de l’Impact. Si le triomphe en coupe du Canada est une belle réussite, c’est aussi un peu le pansement qui empêche la blessure de saigner. Pourtant les signes étaient évidents en 2018 et avaient été clairement exprimés par Rémi Garde. Tout comme ses besoins au niveau de l’effectif, jamais vraiment comblés.

Pire encore, si l’Impact entrait en début d’année dans une nouvelle ère qui avait tout pour être prometteuse avec l’arrivée de Kevin Gilmore à la présidence de l’équipe, c’est pourtant celui-ci qui, par manque de patience, un trait de caractère d’ordinaire attribué à Joey Saputo, a décidé de virer Rémi Garde. L’électrochoc attendu ne s’est évidemment pas produit, mais le fait de ramener un trophée de Toronto a somme toute bien servi le nouveau président, qui n’a pas entièrement perdu la face dans la manœuvre. Un président qui, rappelons-le, se disait loin des décisions sportives, car il connaissait peu le soccer.

Ceci étant dit, le renvoi de Rémi Garde, s’il est arrivé à un bien mauvais moment, n’est pas non plus entièrement farfelu, puisque l’équipe s’enfonçait et rien ne semblait pouvoir arrêter sa chute. Or, était-ce réellement la faute de l’entraîneur? En partie, certes, et Rémi Garde sera probablement le premier à le reconnaître. Or, il convient de revenir sur les trois constats écrits lors du même exercice de bilan il y a un an :

1) Ça manquait d’animation offensive, surtout dans l’axe
2) Ça manquait d’instinct de tueur
3) Il faut être plus efficace dans le recrutement

Eh oui. Vous l’avez deviné, un an plus tard, les mêmes constats s’appliquent. Alors que l’Impact savait où il devait aller pour avoir du succès, c’est plutôt une longue séance de surplace à laquelle on a assisté en 2019. Puisque l’équipe était alignée au départ avec un effectif moins solide que la saison précédente, il était un peu farfelu de croire que le résultat serait différent. Et malgré tout ça, même si un nouveau directeur sportif chargé de venir solidifier et orienter la structure sportive montréalaise allait bientôt arriver, on a décidé de se départir d’un entraîneur de haut niveau qui aurait mérité qu’on lui permette au moins de passer une entrevue avec le nouveau patron. Ironiquement, tout comme il est parti trop tôt, Rémi Garde est également arrivé trop tôt; on n’accueille pas un entraîneur de sa trempe sans structure de recrutement de qualité pour l’appuyer. À preuve, pour régler les deux premiers constats mentionnés ci-dessus, Rémi Garde avait mentionné lors du bilan de 2018 le besoin d’ajouter un milieu de terrain de qualité et un attaquant prolifique à son effectif. Le troisième constat laissait toutefois présager que les chances que ça se produise étaient minces…

Les joueurs
Recrutement, entraîneur, président, d’accord. Mais le soccer se joue avant tout sur le terrain. Et ceux qui portent le maillot ont évidemment leur lot de responsabilités. Bulletin des principaux acteurs du onze montréalais :

Gardien
Evan Bush

Bush a signé avant la saison une prolongation assortie d’une augmentation de salaire. C’était une erreur, et je ne me suis pas gêné pour le dire avant que ça se produise, quand ça s’est produit et, évidemment, après que ce se soit produit. On a vu en 2019 tout ce que Bush fait de mal depuis des années. Or, cette fois, les erreurs et les manques étaient si criants et nombreux que tout le monde a finalement vu et compris : l’Impact doit se trouver un nouveau gardien. Si les performances de Diop sont intéressantes, l’échantillon est toutefois trop restreint pour pouvoir prétendre lui donner le poste. Et ce dont l’Impact a besoin, c’est de certitudes, pas de projets du genre « il mérite qu’on lui donne une chance ». Le club doit d’abord et avant tout chercher à se renforcer.

Défenseurs
Zakaria Diallo

Diallo a offert quelques solides performances à l’Impact cette saison. Quand il n’avait pas la tête ailleurs. La tête à Lens, par exemple, tandis que le ballon arrivait d’un poteau de corner planté en sol nord-américain. On a pu bien voir la différence de niveau entre Diallo et son éventuel remplaçant qui n’aurait jamais dû partir, Rod Fanni. Quand on disait plus haut dans le texte que l’Impact s’était présenté à la ligne de départ avec un effectif moins solide que la saison précédente, c’est en grande partie en raison de ce changement de garde (non, pas de « Garde », puisque l’entraîneur avait mentionné qu’il voulait conserver Fanni).

Bacary Sagna
Bacary Sagna n’est plus tout jeune. Mais cette saison, le poids des années d’expérience a fait la différence. On a vu le latéral droit s’imposer avec tout son bagage et tirer son épingle du jeu durant toute la saison, notamment en finale du championnat canadien alors qu’il a été appelé à suppléer dans l’axe. Si le physique s’estompe, l’intelligence de jeu, elle, est plus que jamais présente. Solide gaillard.

Daniel Lovitz
Privé de son acolyte Nacho Piatti toute la saison, Daniel Lovitz a été l’ombre de lui-même en 2019. En fait, il a souvent semblé démotivé, voire désintéressé sur le terrain. Négociations de contrat difficiles? Probable. Quoi qu’il en soit, il serait surprenant de revoir l’Américain à Montréal en 2020. Il a besoin d’aller voir ailleurs.

Rudy Camacho
Rudy Camacho n’avait pas connu une grande saison 2018, mais les choses se sont améliorées en 2019. Reste que l’ami Rudy n’est pas un joueur flamboyant, ni même une figure de proue de la défense montréalaise. C’est un joueur efficace, un bon soldat, un coéquipier utile. Mais, considérant son salaire, est-ce suffisant?

Milieux
Nacho Piatti
Rien ne va plus pour Nacho. C’est la saison catastrophe pour l’Argentin à Montréal. Miné par les blessures, le milieu de terrain a raté presque toute la saison. Qui plus est, les négociations concernant son potentiel retour en 2020 semblent avoir pris un bien mauvais tournant. Était-ce la saison de trop pour Nacho à Montréal? C’était celle, en tout cas, dont il avait besoin pour devenir le meilleur buteur de l’histoire du club.

Saphir Taïder
Saphir Taïder a connu un bon début de saison, à l’image de l’équipe, puis a explosé… avant qu’on ne retrouve pas tous ses morceaux. Impérial au mois de juin alors que l’Impact était déforcé en raison du départ de plusieurs internationaux pendant plusieurs semaines (on remercie au passage l’entraîneur de l’Algérie de ne pas avoir convoqué Saphir pour la Coupe d’Afrique des nations), Taïder a littéralement porté l’équipe sur ses épaules pendant cette période. Puis, il a connu un coup de mou et n’a jamais vraiment pu retrouver son niveau de juin. Peut-être a-t-il trop tenté de compenser l’absence de Piatti?

Samuel Piette
La saison de Samuel Piette est à l’image de celle de l’Impact : un fort début, puis c’est parti en vrille après la Gold Cup. À son retour de son séjour en équipe nationale, le milieu de terrain a connu des ratés. Si contrairement à l’équipe il est parvenu à se replacer, sa fin de saison a été plus difficile, surtout après le départ de Rémi Garde. Quoi qu’il en soit, Piette devra passer un cap, progresser, ajouter une dimension plus offensive à son jeu. Surtout si Olivier Renard tient sa promesse d’apporter du jeu offensif à Montréal.

Orji Okwonkwo
Le joueur de l’année. Un peu comme Romero en 2014, en cette année où il était difficile de trouver un candidat, il était presque certain que le gagnant du titre ne ferait pas l’unanimité. Saison somme toute moyenne pour Okwonkwo qui explique lui-même sa grosse difficulté d’adaptation à la MLS. Okwonkwo a servi du très bon et de l’immangeable, parfois au sein d’un même match. Une telle inconstance est-elle acceptable? Puisque son prêt est arrivé à terme, il faut se poser la question.

Attaquant
Maxi Urruti
Il a travaillé fort le Maxi. Et si ce travail a été utile, il a surtout eu lieu à peu près partout sur le terrain sauf là où l’Impact en avait surtout besoin : dans la surface de réparation adverse. Urruti n’était pas l’attaquant dont l’équipe avait besoin, mais les gens responsables de son recrutement étaient tellement convaincus du contraire qu’ils lui ont offert un lucratif contrat. C’est une erreur grave. Le joueur a des qualités, mais certainement pas celles qui auraient le plus aidé l’équipe.

Prise de conscience?
Un des points les plus positifs de cette campagne sera la prise de conscience généralisée des limites de la cellule de recrutement du club. Or, je crains qu’on ait encore agi à l’envers. Tout comme il était un peu farfelu d’amener un entraîneur de haut calibre avant de posséder la cellule de recrutement nécessaire pour le soutenir, le fait d’avoir embauché diverses personnes au sein de la cellule de recrutement avant d’amener un directeur sportif risque de ralentir une fois encore le développement de la structure et donc de freiner le recrutement. Sauf évidemment si Olivier Renard se trouve rapidement des atomes crochus avec les personnes déjà en poste ou met les choses à sa main avant de commencer le travail.

En conclusion, on est un peu de retour à la case départ. Mais l’Impact n’a pourtant pas réellement fait deux ans de surplace. En fait, l’Impact a fait un bond en avant. D’accord, le cul est arrivé avant les pieds et il a fallu se relever et essuyer un peu la boue qu’on avait dans le visage suite à l’atterrissage mouvementé, mais on a quand même réussi à franchir le ruisseau. Il y a deux ans, on avait un entraîneur de haut niveau, mais une structure de recrutement qui n’avait pratiquement pas évolué depuis les années en seconde division (où elle ne marchait déjà pas tout à fait, d’ailleurs). Cette fois, on met en place la base avant d’aller plus loin. Olivier Renard, pour autant qu’on le laisse travailler, est un excellent recruteur. S’il peut s’entourer librement, l’Impact pourra sans aucun doute compter sur une cellule de recrutement de grande qualité. Peut-être même une des meilleures de MLS. On peut supposer que Renard saura greffer au club un entraîneur de qualité. Peut-être pas un entraîneur possédant un CV aussi étoffé que Rémi Garde, non, mais un entraîneur intelligent, qui partage ses valeurs et avec qui il pourra travailler efficacement. C’est ce qui compte. Car si certains se questionnent ces jours-ci sur l’identité du club, force est de constater que ce qui le caractérise depuis des années, ce sont des gens censés travailler ensemble, mais qui tirent en fait chacun dans des directions différentes… parce que la direction à prendre n’a jamais clairement été déterminée.