Quand le meilleur succède au pire : Klopas revient sur 2014 et 2015

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L’Impact de Montréal vient de connaître une saison à oublier. Pas facile de se remettre de tout ça. Tout le monde se dit, avec justesse, que la côte sera longue à remonter. Et pourtant…

Et pourtant, le revirement de situation est peut-être plus proche qu’on pense. La victoire en championnat canadien, le mois dernier, a beau avoir été sans éclat aux yeux de certains, n’empêche qu’elle va déboucher sur la Ligue des champions de la Concacaf. Et ça, ceux qui se souviennent du but de Cameron Porter savent ce que ça pourrait vouloir dire…

Si vous trouvez que c’est rêver en couleurs de croire que l’Impact pourrait faire un long parcours en Ligue des champions 2020, et bien il suffit de retourner cinq ans en arrière pour trouver la preuve que ce n’est pas le cas. En effet, le parallèle entre la situation actuelle et les saisons 2014-2015 est tentant.

Frank Klopas était alors l’entraîneur-chef du onze montréalais et il a été à la barre de l’équipe pour un des pires moments de son histoire – la dernière place dans la MLS en 2014 avec une fiche de 6-18-10 –, mais aussi pour ses moments les plus exaltants de tous – la présence en finale de la Ligue des champions en 2015.

Viau Park l’a contacté et Klopas a accepté de revenir sur ces moments-là.

Les mains liées en 2014
D’emblée, Klopas a précisé qu’il n’a évidemment pas pu suivre la saison 2019 de l’Impact dans tous ses détails et qu’il ne sait pas ce qui s’est réellement passé. Mais le but de l’exercice était qu’il nous parle de son séjour à lui à la barre de l’équipe en 2014 et 2015, question de voir s’il n’y a pas des leçons qu’on pourrait en tirer.

« Mon contrat avec le Fire (de Chicago) venait de se terminer et Montréal m’a contacté. Nous avons eu quelques rencontres. J’ai signé un contrat de deux ans », a rappelé Klopas en commençant par décrire les circonstances de son embauche, en décembre 2013.

Klopas tenait à avoir un contrat d’au moins deux ans parce qu’il savait qu’il lui faudrait une saison complète avant de pouvoir recruter des joueurs à son image et à son goût.

« En raison des décisions que (l’Impact) avait prises dans les années précédentes, nous savions qu’à ma première année, si nous arrivions à nous entendre, il allait être difficile d’amener de nouveaux joueurs dans l’équipe. Parce que des joueurs en place avaient des contrats garantis, la situation du club par rapport au plafond salarial était difficile et c’était impossible de corriger ça à court terme.

« Tout ça, ils me l’ont expliqué dès le départ. Ils m’ont dit qu’après ça, j’aurais une opportunité de présenter un plan à la haute direction, en cours de saison, dans le but d’apporter les changements nécessaires, a ajouté Klopas. Et cette première saison-là n’a pas été très bonne, il a même fallu se départir de (Hernan) Bernardello en milieu de saison, sans que je puisse aller chercher des joueurs qui auraient pu vraiment aider.

« Malgré le contexte, nous avons pu atteindre la finale du championnat canadien et la remporter, a noté Klopas. Pendant la saison, Nick De Santis, Mauro Biello et moi avons travaillé très fort afin d’identifier des joueurs qui pourraient bien s’insérer dans la formation l’année suivante. J’ai présenté trois plans à Joey (Saputo) et il a dit, ‘OK, allons-y avec celui-là’ et c’est que nous avons fait. (Ignacio) Piatti est arrivé (vers la fin de la saison 2014), nous avons embauché (au début de l’année 2015) des joueurs comme Laurent Ciman, Marco Donadel et Victor Cabrera, des joueurs qui ont profondément modifié la composition de l’équipe.

« S’il y a une chose que je peux dire de Joey, c’est qu’il veut gagner, a par ailleurs noté Klopas. Quand j’ai suggéré d’aller chercher tel joueur ou tel joueur, il n’y a pas eu une seule fois qu’il m’a dit non. »

Le parcours en championnat canadien, et la promesse de jours meilleurs en Ligue des champions, a par ailleurs fourni à Klopas la carotte nécessaire pour maintenir un minimum d’ordre dans le vestiaire.

« Nous savions que ça allait être une année de reconstruction (en 2014), mais ce n’est pas quelque chose que tu peux avouer aux joueurs, parce qu’à chaque fois que tu mets les pieds sur le terrain, c’est dans le but de gagner, a dit le vétéran entraîneur. Mais en ayant cette opportunité de bien faire en championnat canadien, les joueurs ont continué de faire preuve d’engagement. »

Drôle de timing
Un autre parallèle qu’on peut établir entre la saison 2019 et le parcours de Klopas avec l’Impact, c’est le moment où ce dernier et Rémi Garde ont été remerciés. Dans les deux cas – le 21 août dernier dans le cas de Garde, le 30 août 2015 dans le cas de Klopas –, c’était à quelques matchs seulement de la fin de saison, alors que l’équipe étaient encore dans la course pour une place dans les séries de la MLS. Dans le cas de Klopas, l’Impact était à un seul point de la ligne rouge.

On sent que Klopas aurait aimé qu’on lui donne le chance de porter à terme son projet, d’autant plus que Didier Drogba venait d’arriver. Ce dernier n’a disputé qu’un match sous les ordres de Klopas, en tant que substitut.

« Pourquoi un changement d’entraîneur si tard dans la saison ?, dit Klopas au sujet du départ de Garde. Je ne comprends toujours pas. Rémi Garde est un bon entraîneur, il était encore en train d’apprendre à connaître la ligue, il y avait des joueurs blessés, son équipe a longtemps été en position d’accéder aux séries, et puis tu fais un changement comme ça… C’est difficile quand un tel changement survient à ce moment-là (de la saison), selon moi. »

C’est difficile parce que dans un tel contexte, l’entraîneur en place est convaincu qu’il aurait été capable de mener son équipe à bon port. C’était du moins son cas, et c’est pourquoi il était surpris qu’on le remercie, malgré la mauvaise séquence que les siens connaissaient (3-6-2 à leurs 11 matchs précédents).

Par contre, Klopas n’a pas été surpris de voir que c’est Mauro Biello qui l’a remplacé.

« Au début, quand j’ai rencontré Joey, on m’a dit que Mauro allait prendre la relève un jour. J’avais dit que c’était correct, mon plan était de coacher deux ans à Montréal et puis de passer à autre chose, a expliqué Klopas. J’ai été vraiment déçu (d’être remercié) avec 11 matchs à faire, avec l’équipe en bonne position d’accéder aux séries malgré qu’il y avait des blessés. Mais je n’étais pas contre le fait du tout que ce soit Mauro qui prenne la relève.

« Je pense qu’il y a eu un manque de communication et une mésentente entre Joey et moi, et je savais que c’était un dénouement possible, a par ailleurs indiqué Klopas en parlant de son congédiement. Reste qu’en bout de ligne, les résultats doivent être au rendez-vous. »

Sur Mauro et Nick
Dans le même ordre d’idée, Klopas s’est dit surpris que le séjour de Biello à la barre de l’Impact ait été aussi court, lui qui a été remercié à la fin de la saison 2017.

« J’ai encore de la difficulté à y croire, a-t-il lancé. Un gars qui en a tellement fait pour le club… Il avait bien fait (dans l’ensemble). Il n’a pas accédé aux séries (en 2017), d’accord, mais ça va arriver… Mais quand quelqu’un prend une décision du genre, c’est qu’il pense pouvoir trouver quelqu’un de meilleur ailleurs. »

Klopas a également été surpris quand De Santis a quitté le club.

« Je sais à quel point il travaillait fort pour le club en coulisses, a souligné Klopas. On dirait que des gens ne le réalisaient pas – parfois, quand tu es avec une organisation très longtemps, les gens te tiennent pour acquis. C’est toujours facile de s’attarder aux points négatifs, les gens sont comme ça, mais je trouve que c’est une grande perte pour le club. »

Tout en se disant convaincu que Joey Saputo continue d’avoir son mot à dire dans les décisions concernant l’Impact même s’il n’est plus président – le contraire est « impossible », lance-t-il –, Klopas conclut la conversation en affirmant qu’il garde plein de bons souvenirs de son passage à Montréal.

« J’ai bien aimé le temps que j’y ai passé, j’adore la ville, j’adore les gens, j’ai adoré travailler avec les gens à l’emploi du club, a-t-il noté. Et j’ai adoré la pression qui venait avec le poste d’entraîneur, j’avais un peu l’impression d’être en Europe à cause de ça, mais je le voyais comme quelque chose de positif. Ç’a été une belle expérience, j’ai rencontré des gens merveilleux que je considère encore comme mes amis. »