Greg Sutton, le no 1 des gardiens no 1

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C’est en toute logique que Greg Sutton a récemment été intronisé au Mur de la renommée de l’Impact puisqu’il est le gardien de but le plus décoré dans l’histoire du club. Mais son passage avec le onze montréalais est venu bien près de se faire dans l’anonymat.

Car Sutton aurait très bien pu quitter l’Impact avant même que sa carrière à Montréal prenne son envol. Et ce, deux fois plutôt qu’une.

Tout d’abord, en 2001, l’année où il s’est joint au club montréalais. Un club alors propriété du Groupe Ionian… qui a largué l’équipe en pleine saison. Même si la A-League a pris l’équipe en charge et a donné le mandat à Joey Saputo de compléter la saison, les joueurs avaient le choix entre accepter un contrat révisé à la baisse… ou de quitter.

Sutton, qui venait de vivre la déroute financière d’un club à Cincinnati, a choisi de rester.

« J’avais bien aimé le temps que j’avais passé à Montréal jusque-là, j’appréciais les gars qui faisaient partie de l’équipe », a expliqué Sutton, un Ontarien d’origine maintenant installé à Montréal en permanence, lors d’un entretien avec Rétrosoccer. « Il y avait encore de bonnes personnes qui faisaient partie de la vie du club, comme Mike Moretto, comme Mauro (Biello) et Nick (De Santis), des gars qui avaient la foi en Montréal et ce que la ville représentait au point de vue soccer.

« Et quand nous avons appris que l’équipe allait être rachetée à nouveau par la famille Saputo, c’était formidable, c’était un nouveau départ. »

Dans les faits, c’est quand Bob Lilley s’est amené au poste d’entraîneur-chef de l’Impact, en vue de la saison 2002, que Sutton a plus sérieusement remis en doute son avenir avec le onze montréalais.

« (Lilley) n’était pas mon plus grand fan. Il a voulu renégocier mon contrat. Il a joué avec les conditions de l’entente, et disons que ça n’a pas été très généreux comme révision, a indiqué Sutton. Je me suis vraiment demandé si j’allais rester. Mais j’en suis venu à un point où je me suis dit que j’allais lui prouver qu’il avait tort ; que non seulement je méritais l’argent qu’on me donnait, mais que j’en aurais mérité plus.

« Je respectais l’homme et la personne qu’il était, mais j’ai été en désaccord avec plusieurs choses qu’il a faites, pas mal tout au long des deux années qu’il a passées à Montréal. Mais c’était sa façon de diriger l’équipe et il a quand même fait de bonnes choses, a convenu Sutton. Heureusement, j’ai commencé à bien jouer (en 2002), puis j’ai pu renégocier mon contrat avec Joey la saison suivante, et ensuite j’ai connu ma longue séquence de succès. »

Lilley, Sutton et les autres joueurs de l’Impact ont été au centre d’une véritable renaissance du club sur le terrain en 2002. Montréal a alors affiché la troisième meilleure défensive dans la ligue, avec 25 buts accordés en 28 matchs.

Et même quand Lilley a quitté après la saison 2003, l’équipe a gardé ses bonnes habitudes défensives sous les ordres de De Santis, alors devenu entraîneur-chef. C’est là que Sutton s’est mis à remporter trophée après trophée sur le plan individuel : gardien de l’année dans la ligue et membre de la première équipe d’étoiles quatre années de suite (2003 à 2006), joueur le plus utile à son équipe dans la ligue en 2004, joueur par excellence de l’Impact en 2003 et joueur défensif de l’année du onze montréalais en 2004.

« Avec le recul, je peux presque remercier Bob Lilley, parce que ça m’a probablement amené à devenir un meilleur gardien, a indiqué Sutton. Ça m’a donné la motivation nécessaire – de m’entraîner le plus fort possible, de m’améliorer sans cesse… »

Sutton avait l’avantage d’être dominant physiquement dans la zone de réparation en raison de ses 6 pieds 6 pouces, mais sa taille pouvait par ailleurs amener certains à avoir des préjugés en son endroit.

« Les gardiens de 6 pieds 5 pouces et plus ont parfois de la difficulté parce qu’ils ne sont pas aussi athlétiques qu’ils aimeraient l’être. Ce qui n’est pas mon cas – j’ai joué au basketball à un haut niveau, j’ai pratiqué plusieurs autres sports aussi, ce qui m’a aidé dans ma façon de jouer (au soccer) », a souligné Sutton.

« Il y a une expression qui dit que les hommes blancs ne peuvent pas sauter, mais ce n’était pas mon cas. Les ballons qui arrivaient dans la zone de réparation… Quand tu regardes les photos de l’époque, il y en a des tonnes où je me trouve quatre ou cinq pieds au-dessus de tout le monde parce qu’il n’était pas question de laisser qui que ce soit aller chercher le ballon.

« Je me souviens clairement de matchs où j’ai tellement eu de plaisir parce que j’étais dominant dans la zone de réparation. J’étais à mon sommet en terme de niveau de confiance et de synchronisme. À ce stade-là de ma carrière, les choses me venaient facilement – et ça, ce n’est pas quelque chose qu’un gardien peut se dire souvent. »

Un de ses matchs les plus aboutis, Sutton l’a vécu – toute l’équipe de l’Impact aussi, en fait – à l’occasion du match de championnat de 2004. Le onze montréalais l’avait emporté 2-0 contre les Sounders de Seattle.

« Il n’était pas question de perdre ce match-là, a indiqué Sutton. Nous savions qu’il fallait bien jouer et la performance que nous avons effectivement donnée, si vous retournez voir la vidéo, vous trouverez peut-être une ou deux erreurs de notre part, mais c’est tout. Le fait d’avoir pu jouer ce match-là à la mesure de ce que nous voulions faire, ça disait tout sur la qualité de l’équipe cette année-là. »

Sutton est le troisième ancien de l’Impact à avoir été intronisé au Mur de la renommée, et aussi le troisième membre de cette équipe championne de 2004, après Nevio Pizzolitto et Gabriel Gervais. Ce qui, en soi, en dit beaucoup sur le niveau de cette édition du onze montréalais.

Et c’est un hommage mérité puisque des trois championnats de ligue remportés par l’Impact au fil de son histoire, celui de 2004 est le seul qui n’ait pas été une surprise. Il est le seul que le club ait remporté en faisant figure de favori, ou du moins un d’entre eux.

« Quand je regarde ma carrière dans son ensemble et toutes les équipes pour lesquelles j’ai jouées, dans cette équipe-là, les gars avaient tellement confiance les uns dans les autres que peu importe qui nous affrontions, nous savions que nous étions capables de l’emporter », a affirmé Sutton, qui est aujourd’hui maître entraîneur des équipes de soccer de l’université Concordia.

« Je pense que jamais, durant cette saison-là, nous n’avons vraiment ressenti de pression. Le niveau de confiance sur le plan collectif était si élevé, si omniprésent collectivement et individuellement que… Nous savions que nous allions réussir, que c’était juste une question de faire le boulot et de croire en ce que nous faisions. »