Avant Gabrielle Carle… Isabelle Morneau

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Comme Gabrielle Carle vient de le faire en France, Isabelle Morneau a vécu sa première Coupe du monde à un très jeune âge, sans toutefois avoir droit à une seule minute de jeu. Dans le cas de Morneau, c’était en 1995 en Suède et elle n’avait que 19 ans.

C’était la deuxième Coupe du monde féminine de l’histoire et le Canada y prenait part pour la première fois – mais pas la dernière, puisque c’était là le début d’une séquence de sept participations de suite pour notre sélection, menant jusqu’au tournoi de cette année.

Le foot féminin a évolué à la vitesse de l’éclair depuis 25 ans et Morneau a assisté à tout ça, dont une bonne partie comme joueuse puisqu’elle a aussi participé aux Coupes du monde de 1999 et 2003 – dans ce dernier cas, le Canada avait fini quatrième, son meilleur résultat à vie au Mondial. En cours de route, la Québécoise originaire de la Rive-Sud aura disputé 87 matchs, obtenant 66 départs, un parcours qui lui a valu d’être intronisée au Temple de la renommée de Canada Soccer en 2014.

Dire qu’un an à peine avant de se retrouver en Suède en 1995, Morneau n’était qu’une simple spectatrice au Complexe sportif Claude-Robillard, à regarder un match des qualifications de la Concacaf pour la Coupe du monde, sans oser s’imaginer qu’elle méritait sa place sur le terrain aux côtés des Charmaine Hooper, Annie Caron et compagnie.

« J’étais en camp à Sherbrooke avec l’Équipe du Québec et on était allées à Montréal pour voir un match du Canada, a raconté Morneau lors d’un entretien téléphonique avec Viau Park. Je me souviens d’avoir trouvé Charmaine (Hooper) imposante physiquement, en me disant que ça devait être tellement épeurant de jouer contre elle!

« Jamais je n’aurais pensé ‘faire’ l’équipe canadienne, je ne pensais pas être de ce niveau-là, a affirmé Morneau. L’entraîneur (de l’Équipe du Québec) Dean Howie était venu me voir pour me dire, ‘Bientôt, tu vas être avec ces filles-là’. Je l’avais regardé l’air de dire, ‘oui, oui, c’est ça, elle est bonne ta blague’. »

Sylvie Béliveau, l’entraîneure de l’équipe canadienne à l’époque, a appelé Morneau à l’hiver pour l’inviter à s’entraîner au Centre national de haute performance. Béliveau l’avait vu jouer en championnat canadien.

« J’allais au cégep à l’époque et comme Sylvie me l’a conseillée, j’ai pris une session de congé pour m’entraîner au CNHP, a indiqué Morneau. J’ai pu m’entraîner avec Luce Mongrain et Annie Caron qui, pour moi, sont celles qui ont mis le Québec sur la carte au niveau du soccer féminin. Elles étaient un peu mes grandes sœurs, elles m’aidaient beaucoup. Elles étaient vraiment super. »

Quelques mois plus tard, Morneau enfilait le chandail unifolié pour la première fois, mais non sans avoir passé par un processus qu’elle qualifie de tout simplement « atroce ».

« J’ai été invitée à aller m’entraîner à Toronto après avoir réussi les standards physiques, notamment à l’aide du test Cooper – il a vraiment fallu que je m’entraîne fort pour être physiquement prête –, c’était en avril, un mois d’avril laid, frais et pluvieux, sur du mauvais ‘turf’…

« On était quelque chose comme une quarantaine de filles au camp. C’était dur et je ne connaissais personne, juste Annie et Luce… C’était vraiment rudimentaire comme situation, je dormais chez la gardienne de l’équipe, Carla Chin.

« Au bout de quelque chose comme deux semaines, ils ont fait les premières coupures. La liste des joueuses retenues était affichée près des vestiaires. Il fallait aller voir si ton nom était sur la liste. Ensuite, il y eu d’autres coupures à intervalles réguliers. On n’avait pas le goût d’aller voir, on en voyait qui s’en allaient en pleurant ! Mais à chaque fois, mon nom était là, jusqu’au groupe final de 16 joueuses qui allait en Europe.

« J’étais vraiment honorée. Une sélection du Canada de seulement 16 joueuses et j’en faisais partie! »

« Celles qui restaient se sont retrouvées à l’hôtel. C’était spécial! On a commencé à voyager, on est allées en Europe, disputer des matchs (préparatoires). C’est là que j’ai eu mon premier chandail, enfin officiel, de l’équipe nationale… »

C’était quelques semaines seulement avant le début de la Coupe du monde et la sélection canadienne a beaucoup voyagé en peu de temps. C’était éreintant, beaucoup de fuseaux horaires à gérer, a souligné Morneau. Mais…

« Moi, j’étais tellement contente juste d’être là, dit Morneau. Si on remonte à quelques mois auparavant, je trouvais ces filles-là tellement bonnes, je ne me voyais pas avoir le talent pour jouer avec elles. Mais j’ai joué avec elles dans les matchs préparatoires. »

Morneau a alors eu l’occasion d’apprivoiser sa peur de Charmaine Hooper!

« Étant attaquante moi aussi, je me suis pas mal collée à elle, a indiqué Morneau. Elle a souvent été ma cochambreuse. Elle a toujours été super sympathique avec moi. C’était sur le terrain que j’en avais peur, mais elle m’a beaucoup aidé à m’endurcir. J’essayais d’imiter un peu sa façon d’être robuste sur le terrain. »

Même si Morneau aurait aimé avoir une petite saucette de cinq minutes à la Coupe du monde de 1995, elle n’en fait pas de cas et elle retient surtout la magie d’avoir vécu ce Mondial de l’intérieur.

« On avait un bel esprit d’équipe, vraiment, a dit Morneau. Tout le monde se tenait ensemble. J’étais la nouvelle, alors je prenais mon trou, mais je regardais et j’appréciais le fait d’être avec des filles comme elles.

« Il y avait beaucoup de talent dans cette équipe-là, c’est juste qu’on n’avait pas vraiment eu le temps de bien se préparer », a dit Morneau en faisant allusion à la fiche déficitaire du Canada en phase de groupe (défaite de 3-2 contre l’Angleterre, nul de 3-3 contre le Nigeria et revers de 7-0 contre la Norvège, l’éventuelle équipe championne).

« On voyait qu’on n’était pas prêtes pour le niveau (élevé) qu’il y avait, a indiqué Morneau. Mais je pense qu’on a quand même bien fait à la Coupe du monde, on a marqué de beaux buts. Quand Helen Stoumbos a marqué le premier but de l’histoire du Canada (à la 87e minute du premier match, contre l’Angleterre), pour nous c’était super d’avoir marqué ce but, c’était merveilleux.

« On y était allées avec tout notre cœur. Malgré le voyagement et la fatigue, on a tellement vécu de belles expériences… Je n’en retiens que du positif », a dit Morneau, tout en soulignant le fait que des ajustements ont été apportés par Canada Soccer par la suite dans le but de mieux faire dans les Coupes du monde suivantes.

Au bout du compte, c’est cette première présence du Canada à la Coupe du monde féminine, en 1995, qui a permis de jeter les bases des succès qui allaient venir plus tard.