Il y a parfois de ces phénomènes qui n’arrivent qu’à la suite d’une convergence de différents éléments bien particuliers, et qui resteront uniques en leur genre. La Coupe du monde de la QCSL – Coupe du monde Bell à l’origine – qui a été disputée tous les dimanches d’hiver pendant 20 ans au SportXpo du boulevard Dagenais à Laval, est un de ceux-là.
En 1993-94, ce qu’on appelait alors le Sportsplexx était un des rares endroits consacrés au soccer pendant la saison morte. John Stellato, un des propriétaires du centre sportif en compagnie notamment de Nick Albanis, Tasso Koutsoukos, Nick Albanis et Sam Atsaidis, a eu l’idée de lancer une ligue du dimanche, disputée par des équipes s’identifiant – grosso modo – à leurs origines culturelles.
C’est ainsi que les joueurs italophones jouaient pour l’Italie, les joueurs d’origine grecque pour la Grèce, les joueurs hispanophones pour l’Espagne, les joueurs des Antilles et des Caraïbes pour Haïti, et ainsi de suite. Un appel à la fierté qui a eu ses effets sur le niveau de jeu.
Par ailleurs, plusieurs joueurs de l’Impact y ont participé, question de garder la forme en attendant la reprise de la saison. C’est ainsi qu’on en a retrouvé plus d’une trentaine au fil des ans dans les différentes équipes, dont John Limnatis, Gabriel Gervais, Grant Needham, Patrick Diotte, Ali Gerba, Antonio Ribeiro, Rocco Placentino, Darko Kolic, Gustavo Echevarria, Rudy Doliscat, Sandro Grande, Jason DiTullio, Patrick Leduc, Andrew Olivieri, Kyt Selaidopoulos, Charles Gbeke, Daniel Courtois…
Et la configuration particulière des terrains, avec des bandes qui viennent aux aisselles sur les côtés et sont à la hauteur de Shaquille O’Neal au fond de chaque zone, et une surface qui donnait l’impression d’un vaste carré de sable – avec pas de sable –, avait pour effet d’accélérer le rythme du jeu.
Résultat, la Coupe du monde Bell est devenu LE rendez-vous pour les meilleurs joueurs de la grande région montréalaise. Et, par conséquent, pour les fans qui s’ennuyaient de voir du soccer local de haut niveau.
À chaque dimanche, il y avait une succession de matchs entre les différentes équipes. Les gradins étaient souvent remplis, tout comme le hall du complexe, puisque c’était l’occasion pour les membres de la communauté du soccer de se rencontrer et de prendre des nouvelles.
Ce qui frappait, c’était l’ambiance chez les fans, et l’intensité qu’il y avait sur le terrain. Une intensité digne des grandes soirées sportives.
« Il y a même eu une époque où les joueurs étaient payés. Les gens étaient prêts à payer pour assister aux matchs », a rappelé Stellato lors d’un entretien qu’il a accordé à Rétrosoccer à l’occasion de la soirée du 25e anniversaire de la ligue, le 4 mai dernier. « Ç’a commencé à avoir du succès grâce au bouche à oreille, rien d’autre. Il n’y avait pas de médias sociaux à l’époque.
« Ç’a marché parce que les gens voulaient faire partie de la meilleure ligue possible. Ils voulaient vivre l’ambiance. C’était la seule ligue qui offrait un niveau de jeu aussi élevé, où il y avait autant de passion. Et quand une équipe remportait le championnat, elle célébrait pour vrai.
« Notre meilleur joueur a été Darko Kolic, qui a brisé plusieurs records offensifs. Il y a aussi eu Bo Vuckovic, qui était un joueur étoile dans la MISL aux États-Unis, et qui venait du Vermont pour jouer ici à chaque semaine. »
Au cours de la soirée du 25e anniversaire, qui a permis à une bonne centaine d’anciens joueurs de la Coupe du monde d’enfiler à nouveau le maillot et de renouer, Rétrosoccer a recueilli les impressions de quatre anciens participants.
Gustavo Echevarria
Joueur de l’Impact
CM QCSL : Joueur de la décennie 1993-2003
« La Coupe du monde, ç’a été un de ces événements qui cliquent. Il n’y avait pas vraiment de ligue intérieure à l’époque et quand les meilleurs joueurs ont commencé à venir, ç’a grandi à vue d’œil et on a eu droit à de beaux championnats. C’était du local mais le niveau de jeu était impressionnant.
« Et pour moi, c’était LA ligue. C’était ma ligue. J’ai été honoré plusieurs fois, ayant eu la chance d’être un des joueurs les plus importants pour l’Espagne et pour la ligue. Je me sentais à l’aise avec l’Impact, mais le niveau de compétition étant plus élevé, peu de joueurs avaient la chance de percer. Mais ici, dans cette ligue, je pouvais m’exprimer beaucoup plus. »
Darko Kolic
Joueur de l’Impact
CM QCSL : Multiple champion marqueur et détenteur de records offensifs
« Le niveau de jeu était au moins aussi élevé que celui des semi-professionnels d’aujourd’hui, c’était spectaculaire. L’intensité était si élevée qu’à quelques reprises, un entraîneur de l’Impact m’a appelé pour me dire qu’il fallait que j’arrête de jouer ici, c’était trop dur, le danger de blessure était trop grand! Les gars jouaient avec tellement de passion… Tout le monde voulait prouver quelque chose, il y avait un peu d’ego en jeu, tandis que pour certains, c’était l’occasion de se mesurer à des pros de l’Impact. Tout le monde en donnait un peu plus.
« C’était plaisant de se retrouver ici à chaque semaine. J’ai remporté le titre avec quatre équipes différentes, et ça me rend encore fier. »
Frank Dépatie
Joueur de l’Impact (NPSL)
CM QCSL : Deux fois champion avec Haïti
« C’était un endroit où on pouvait se rencontrer l’hiver et pratiquer notre sport. Il y avait beaucoup de fierté. Quand tu affrontais le Salvador, la Grèce, l’Italie, Haïti, il fallait s’attendre à du jeu dur et physique. On mangeait les bandes! On rentrait souvent à la maison, le dimanche soir, avec des bleus. Mais c’était vraiment du bon jeu. C’était excellent pour pratiquer sa technique pendant l’hiver, se garder en forme.
« C’était aussi un endroit pour se faire voir comme joueur. Je me rappelle d’avoir fait partie des équipes d’étoiles. On était notamment allé jouer aux États-Unis, contre des équipes de différents États, et en Ohio on avait fini deuxièmes… Les étoiles avaient aussi affronté l’Impact ici, et l’avaient emporté 5-4. »
Patrice Bernier
Joueur de l’Impact
CM QCSL : Joueur de l’année et meilleur marqueur 2002-03
« Je jouais à l’université (à Syracuse) quand des amis qui jouaient dans la ligue m’en ont parlé. Au début, je venais jouer ici quand je revenais au Québec les fins de semaine, puis j’ai disputé une saison complète. J’ai joué avec Israël, qui était une équipe composée des joueurs du Centre national de haute performance à Montréal, comme Adam Braz et Gaspare Borsellino, et aussi de quelques-uns de mes amis d’enfance.
« J’ai donc joué ici quand j’étais jeune, et tu voyais beaucoup de joueurs de l’Impact. Tous les dimanches, c’était LA réunion de soccer. Il y avait plein de monde dans les estrades, il y avait de l’intensité sur le terrain parce que chacun défendait ses couleurs… Si tu voulais te mesurer (aux meilleurs) et étoffer ton jeu, devenir plus mûr, c’est ici qu’il fallait venir pour savoir si tu avais la ‘cut’.
« Et ça jouait avec les bandes, donc il fallait penser vite. Et ça donnait un aspect physique au jeu. Quand tu allais près de la bande, sans dire qu’on te donnait une mise en échec, il fallait savoir se protéger, s’appuyer, protéger le ballon. Il y avait pas mal d’apprentissages à faire. »
NDLR : Pour en savoir plus sur la Coupe du monde de la QCSL, il est toujours possible d’aller fureter sur le site de la ligue, qui n’est plus alimenté très souvent puisque le circuit a cessé ses activités en 2013 mais est toujours en ligne, et comprend encore une foule de renseignements : http://qcslworldcup.com