Reconnaissance des clubs : un survol

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Vous avez lu ici et là quelques bribes d’info sur ce nouveau projet d’envergure nationale signé Jason deVos appelé la « reconnaissance des clubs », mais vous trouvez cela encore un brin mystérieux? Vous n’êtes pas les seuls, c’était notre cas ici, à Viau Park.

Nous avons donc cru bon de contacter la Fédération de soccer du Québec dans l’espoir que quelqu’un puisse nous démystifier ça. Parce que même si on n’était pas sûr de ce que ça voulait dire, on sentait bien que c’était quelque chose de gros, cette nouvelle bibitte-là.

Et après avoir entendu Dominic Boudreault, responsable du développement des clubs à la Fédé nous l’expliquer – en fait, c’est surtout quand on a retranscrit l’enregistrement de ses propos, LEN-TE-MENT, que la petite lumière dans notre tête s’est allumée – on constate qu’effectivement, le programme de reconnaissance des clubs promet d’avoir un impact important sur l’avenir du soccer québécois.

Ce serait sans doute exagéré d’affirmer qu’il s’agit d’une révolution, mais il faut parler d’un bon ménage du printemps, par contre : nouvelles compétitions, nouvelles façons pour les clubs de s’organiser, à l’aide de normes claires et précises qui auront été explicitement définies.

Si on a bien compris, ce qui se faisait avant un peu à tâtons se fera de façon plus proactive, mieux guidée, mieux encadrée. Et ce, pour le mieux-être du développement de notre soccer.

On vous invite donc à lire ce qui suit. Vous ne saurez pas absolument tout après, parce que ça demeure un sujet fort vaste. Mais en espérant que ce survol vous permettra de mieux apprivoiser… cette bibitte-là.

Chronologie

Viau Park : Ça s’appelle donc le programme de reconnaissance des clubs.

Dominic Boudreault : Exactement. C’est un projet qui a été lancé par Jason deVos, directeur du développement à Canada Soccer, et Dave Nutt, qui est le grand artisan de la liste des critères, et avec qui j’interagis lorsqu’on veut faire des adaptations du programme canadien à notre réalité québécoise. Ç’a débuté en avril 2018. Dave Nutt et Jason deVos sont venus au bureau de la FSQ pour expliquer le programme de reconnaissance à nos différentes parties prenantes.

De mai 2018 à août/septembre 2018, on s’est réuni avec des comités 360 degrés pour analyser le programme canadien. Il y avait des représentants d’associations régionales et de clubs, provenant de différents secteurs – l’arbitrage, le technique, la direction générale, les compétitions… On voulait s’assurer que le programme soit aligné avec nos compétitions et, aussi, voir si ça s’arrimait aux valeurs de Soccer Québec. Il y a eu une approbation définitive du conseil d’administration de la FSQ en novembre dernier et, depuis, on travaille à la mise en œuvre du programme.

VP : Quel est le but du programme?

DB : De mettre en œuvre des principes, des critères, des normes à atteindre qui sont définies pour les clubs. L’accès à la compétition va désormais être en fonction du niveau de reconnaissance du club, et non pas selon un principe de promotion-relégation, ou d’adhésion au AA et au A comme on le fait actuellement. Un club va devoir prouver la qualité de son organisation à l’extérieur du terrain – des critères de gouvernance, financiers et administratifs vont entrer en ligne de compte. Et il y a des critères sportifs et techniques qui vont devoir être respectés avant que le club se voit octroyer l’accès à une compétition. On veut vraiment que ce soit une structure de club, où l’ensemble des joueurs du club pourront bénéficier d’un même encadrement.

VP : Bref, que le succès d’un club ne soit pas juste le fait d’une équipe et d’une génération d’exception, et soit plus ou moins l’effet du hasard…

DB : Exactement. C’est pour ça que dans le cadre du programme de reconnaissance des clubs, l’accent sera mis sur le développement des joueurs U-4 à U-12, qui correspondent à 65 pour cent de nos joueurs ici au Québec. On veut travailler avec cette base-là, d’où viendront nos joueurs de haut niveau. On veut organiser les clubs. Il va y avoir des critères relatifs à la sécurité, à l’accessibilité et à l’inclusion… L’Association canadienne et la FSQ vont donner des documents pour aider les clubs à remplir ces critères-là. Par exemple, le club qui n’a pas encore de code de conduite peut prendre notre document et l’adapter selon sa propre réalité. Aussi, il y a des clubs qui, en regardant les critères, vont voir comment ils pourront s’améliorer pour être une organisation qui est vraiment pérenne autant sur le terrain qu’à l’extérieur du terrain.

VP : Quelles seront les catégories de reconnaissance?

DB : Au Québec, il va y avoir quatre niveaux de reconnaissance. Le niveau de base, c’est « normes pour un soccer de qualité ». Ensuite, il y a la reconnaissance régionale des clubs juvéniles, la reconnaissance provinciale des clubs juvéniles et la reconnaissance nationale des clubs juvéniles.

VP : Ce qui veut dire?

DB : Comme je l’ai mentionné, maintenant, l’accès à la compétition va être en fonction du niveau de reconnaissance. Donc, si on prend par exemple la reconnaissance nationale, ce sont ces clubs qui vont pouvoir compétitionner dans notre prochaine ligue provinciale, qu’on va appeler la Première ligue de soccer juvénile du Québec. Celle-ci est la compétition provinciale qui va être alignée avec les niveaux de reconnaissance et qui va remplacer la LSEQ qu’on connaît actuellement. En 2021, en commençant avec les U-13 et les U-14, ça va remplacer progressivement la LSEQ.

VP : Donnez-moi un exemple de ce que ces clubs vont devoir faire de plus…

DB : Ce qui va être demandé d’un club ayant la reconnaissance nationale et qui va compétitionner dans cette Première ligue de soccer juvénile du Québec, par exemple, c’est d’avoir une équipe masculine et féminine dans chacune des catégories d’âge. On parle vraiment d’un projet de club. On va commencer avec U-13 et U-14, mais ça va s’échelonner jusqu’en U-17, donc en bout de ligne un club va devoir avoir 10 équipes dans un niveau qui est l’équivalent du AAA, la Première ligue de soccer juvénile du Québec, et avoir autant d’équipes féminines que masculines.

VP : Et l’autre niveau en-dessous…

DB : C’est le provincial. Ici, ce sont les ligues de développement juvénile qui vont remplacer progressivement les ligues AA.

VP : Et la reconnaissance régionale…

DB : Éventuellement, quand on va arriver à une structure qui sera complètement alignée avec les niveaux de reconnaissance, ce sont eux qui vont avoir accès aux ligues régionales.

VP : Et celle de base…

DB : Normes pour du soccer de qualité. Les ligues qui sont dans l’intra-régional, le local, ce sont ces clubs-là.

VP : Quels seront les critères pour ce niveau-là?

DB : Dans ce cas-ci, on parle d’un centre de développement de club. Le but, c’est d’arriver avec un cadre, une matrice qui va déterminer quelles sont les pratiques qu’il devrait y avoir dans le centre de développement de club. Par exemple, le nombre de semaines durant lequel le programme devrait opérer; ensuite, tout dépendant de la catégorie d’âge, par exemple en U-5, c’est quoi le format de jeu, qui devrait être sur le terrain; à quoi ressemblerait l’organisation d’un entraînement.

On ne s’attend pas à ce qu’un club ‘normes pour un soccer de qualité’ ait des gens qui soient formés vraiment à toutes les places. On le sait qu’il s’agit ici généralement de bénévoles. Ce qu’on veut, c’est que ces clubs-là adhèrent aux bonnes pratiques du soccer pour les U-4 à U-12. Dans le fond, ces bonnes pratiques-là, c’est l’organisation d’un entraînement sous format d’ateliers, avec un responsable au centre du terrain et des responsables d’ateliers, qu’il y ait une rotation où les jeunes font un exercice de 10 à 15 minutes et travaillent différents éléments à chacun des ateliers. Ça rend le tout dynamique, amusant. On pense vraiment qu’une organisation, juste en instaurant les bonnes pratiques, sans nécessairement avoir des éducateurs qui sont tous formés, sera capable de faire un bon bout de chemin avec les ‘normes pour du soccer de qualité’.

Aider les clubs à s’aider

VP : Dans une vidéo sur le site de la FSQ, le directeur technique de la FSQ Éric Leroy explique que le programme a été lancé par l’ACS surtout à l’intention des provinces peu développées, moins avancées que le Québec. Mais est-ce bon pour le Québec aussi?

DB : Pas mal toutes les provinces ont quelque chose à ajuster. Je pense que ça peut faire un bien énorme à nos clubs, en leur donnant de bonnes balises sur les façons de s’organiser. D’autant que le programme a aussi un volet d’accompagnement technique et administratif qui sera donné par les associations régionales. Pour nous, les ARS – qui n’existent pas dans une majorité de provinces – sont vraiment une ressource super utile dans l’accompagnement des clubs. Parce que les associations régionales connaissent beaucoup plus les réalités locales, elles connaissent leurs clubs.

Lorsqu’on parle d’accompagnement administratif et technique, ça signifie que le DT d’une ARS peut être mis à profit pour aller voir un club, voir si l’organisation des entraînements est bien faite, si un club a un besoin particulier pour ses U-11 par exemple… Le programme, en plus de catégoriser les clubs et de les aligner avec la compétition, offre beaucoup d’accompagnement.

VP : Si je me place du point de vue du parent dont l’enfant joue au soccer, quels sont les changements que je risque de voir?

DB : Quand on parle de centre de développement de club, c’est un peu l’organisation d’une séance d’entraînement dont on parle, et beaucoup de clubs le font déjà. Donc ça se peut que dans le club où un jeune est inscrit, il n’y aura pas nécessairement un gros changement par rapport aux pratiques, mais au moins le programme aura permis de valider que le club faisait la bonne chose, ce qu’on ne faisait pas vraiment actuellement. Mais pour un club qui n’a pas de pratique particulière, là où ça va changer, c’est avec ce principe des entraînements par ateliers, où les entraînements vont être donnés soit par des gens qui auront suivi une formation, soit par des parents bénévoles qui auront été guidés par le responsable du centre de développement de club. Le parent bénévole va se sentir plus à l’aise parce qu’il va savoir pourquoi il travaille, pourquoi il fait tel exercice. Donc, un parent, au lieu d’avoir un petit groupe dont il est (seul) responsable tout l’été, va maintenant travailler en équipe et ça va être le club qui va faire des entraînements pour toute une catégorie d’âge en même temps.

VP : Dans le fond, l’idée n’est pas de repartir à zéro, mais de prendre ce qui est bon et que ce soit plus constant?

DB : Exactement. On est conscient qu’il y a des clubs qui travaillent excessivement bien, mais en ce moment, ils n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent. Il n’y aura pas beaucoup de changements dans les façons de faire pour ces clubs-là, mais au moins, maintenant, les parties prenantes, donc les parents, les commanditaires, les éducateurs, ils vont savoir que ce club-là faisait déjà les bonnes choses. Donc, pour plusieurs clubs, obtenir la reconnaissance, ça va être juste de préparer les documents qui sont déjà en place et, dans le fond, faire valider leur façon de faire.

Le 31 août 2019, c’est la date limite qu’on s’est fixée pour que les clubs soumettent leur demande de reconnaissance. Après ça, on s’est laissé une période d’une année et demie pour faire le suivi. Parce que s’il y a 120 clubs qui appliquent, ça implique beaucoup de vérification et d’accompagnement administratif et technique qui devra être fait. On prévoit faire les premiers octrois en matière de reconnaissance de club au début de l’année 2021. Et c’est à l’été 2021 qu’on va commencer à avoir des clubs avec un niveau de reconnaissance.

De bonnes raisons d’appliquer

VP : Tous les clubs seront-ils obligés d’appliquer?

DB : Pour l’instant, ce n’est pas une obligation. Étant donné que les premiers octrois de reconnaissance vont se faire en 2021, ça implique qu’il n’y aura pas de changements aux compétitions en 2019 et 2020. C’est sûr qu’on va continuer notre travail partout au Québec pour convaincre les clubs d’appliquer. On vise d’avoir, d’ici quelques années, l’ensemble de nos 250 clubs qui seront reconnus par le programme. Ce qu’on dit aux clubs, c’est d’ici le 31 août, pas besoin de travailler pour chercher à atteindre les critères ; remplissez tout simplement votre formulaire pour soumettre une demande de reconnaissance pour ‘normes pour un soccer de qualité’, même si vous savez que nous ne répondez pas à l’ensemble des critères. Cette démarche va nous permettre à nous, la Fédération de soccer du Québec, de faire un premier diagnostic du club, donc de voir, sur les 37 critères qu’ils ont à respecter, qu’ils en ont par exemple 12 qui sont présentement respectés; ensuite, on va faire un plan d’action en 2019 et 2020 pour atteindre les 25 critères qui restent. Il va y avoir beaucoup d’accompagnement pour les clubs qui appliquent pour ‘normes de soccer de qualité’. On va travailler main dans la main.

VP : Autre chose à ajouter?

DB : Il y a surtout deux éléments à retenir du programme de reconnaissance des clubs. Premièrement, que l’accès à la compétition va être en fonction du niveau de reconnaissance du club, ce qui vient abolir le principe de promotion et relégation, et aussi celui d’adhésion au AA et au A. Deuxièmement, c’est que peu importe quel niveau de reconnaissance un club va avoir, il va devoir travailler sur le développement de ses joueurs U-4 à U-12. Le centre de développement de club, c’est la pierre angulaire du programme de reconnaissance des clubs. Tous les clubs vont devoir travailler sur leur base. On espère que ça va être un moteur de développement pour les équipes nationales et pour les équipes professionnelles.

NDLR : Pour en savoir plus sur la reconnaissance des clubs :https://soccerquebec.org/reconnaissance-des-clubs/