Pas dans notre ADN, vraiment?

Publié par

Le foot, pas dans notre ADN?

Ça dépend de quel ADN on parle.

Pendant la partie de l’émission de Tout le monde en parle où on recevait Samuel Piette, Rémi Garde et Kevin Gilmore, dimanche, le metteur en scène Serge Denoncourt a fait cette affirmation, à l’effet que le foot n’est pas dans notre ADN, comme si ça allait de soi.

Monsieur Denoncourt me pardonnera de se servir de lui comme tête de turc dans ce cas-ci, d’autant plus que je suis convaincu qu’il a dit ça sans malice, mais je suis un peu tanné des « civils » qui parlent du soccer comme si c’était une météorite qui était tombée sur Terre et qu’il s’agissait d’un corps exogène à notre écosystème.

Remarquez que je lui pardonne parce que moi-même, quand je suis « embarqué » dans le monde du soccer pour de bon en 1986 après un premier flirt avec le Manic au début des années 1980, je croyais que l’histoire du soccer au Québec n’était qu’une longue série de traversées du désert, ponctuée d’un oasis de temps en temps.

Puis, j’ai fini par comprendre que c’était plutôt le contraire.

L’histoire du soccer au Québec, c’est celle d’un foisonnement continuel, d’un flot ininterrompu d’activités et d’initiatives.

Le foot est tellement dans notre ADN, en fait, qu’il y a toujours eu quelque chose à se mettre sous la dent. L’iceberg n’a pas toujours été visible au-dessus de la surface, mais il a toujours été là.

Avant l’Impact/MLS, il y a eu l’Impact/USL, l’Impact/NASL, l’Impact/A-League, l’Impact/APSL et même l’Impact/NPSL.

Et avant l’Impact, il y a eu le FC Supra. Et avant le FC Supra, le Supra. Avant le Supra, la Ligue nationale de soccer du Québec semi-professionnelle. Avant ça, le Championnat provincial senior. Avant ça, le Manic, et il y a même eu deux équipes professionnelles en même temps en 1983, le Manic et l’Inter.

Avant le Manic, il y a eu la LNSQ connue aussi sous le nom de Ligue Zimmerman, les Castors qui jouaient dans l’Ontario National Soccer League. Avant eux, il y a eu une première équipe montréalaise dans la NASL, les Olympiques. Avant ça, il y eu le Montreal Italia, le Cantalia, le Concordia, le Hungaria, le Ukraina, les ligues ethniques, enrichies par les immigrants qui débarquaient au port de Montréal. Il y a même eu une ligue, au début des années 1960, qui mêlait des équipes locales à des clubs étrangers de D1!

Et ça remonte encore plus loin que ça, alors que les grandes entreprises avaient leurs propres équipes et jouaient dans des ligues. Eric Chenoix vous en parle d’ailleurs régulièrement dans sa chronique À la recherche de Viau Park.

Et ici, on vous parle seulement de ce qui se trouvait au sommet de la pyramide du soccer québécois… On pourrait vous parler aussi de la PLSQ, et avant ça de la LSEQ, et avant ça de la Ligue métropolitaine… On pourrait parler aussi de clubs qui ont aussi marqué l’histoire à leur façon, comme le Superga, Elio Blues, Hermès, Aurore, Haitiana, Luso Stars, les Verts, les Caravelles, les Cosmos…

Le foot, pas dans notre ADN?

Ça dépend de quel ADN vous parlez.

Mais j’oserais affirmer que le foot est dans notre ADN – nous, Montréalais surtout, mais pas seulement – au même titre que le sang autochtone fait littéralement partie de l’ADN des Québécois de souche canadienne-française (à cause des couples mixtes qui se sont mélangés, comme dirait Sol).

Pendant longtemps, notre ADN autochtone est tombé dans l’oubli, et ce n’est récemment que ç’a été rappelé à notre bon souvenir, notamment dans le documentaire L’empreinte. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’était pas bel et bien présent.

Même chose pour le foot. L’empreinte a toujours été là, c’est juste que vous ne vous en étiez pas aperçu.

En fait, pour bien me faire comprendre, monsieur Denoncourt, permettez-moi de vous faire la boutade suivante même si ce n’est pas vraiment vous que je vise  : le foot est autant dans notre ADN qu’est le théâtre.

Ce n’est pas parce que la majorité ne va jamais en voir en personne que ça ne fait pas partie de notre culture ou de notre ADN.

Notre ADN en théâtre, il se manifeste notamment par les milliers de jeunes Québécois(e)s qui font partie de ligues d’improvisation un peu partout dans la province.

Et notre ADN dans le foot, il se manifeste par les milliers de jeunes Québécois(e)s qui jouent dans des ligues de soccer.

Pourquoi les jeunes qui font de l’improvisation ne remplissent-ils pas les théâtres du Québec? Je parie, M. Denoncourt, que vous avez une très bonne idée de la réponse, mais ça vous prendrait au minimum une demi-heure pour bien me l’expliquer.

Je le sais, parce que ce serait la même chose pour moi si vous me demandiez pourquoi les jeunes qui jouent au soccer ne remplissent pas les gradins du Stade Saputo.

Sauf que jamais, dans ma réponse, je vous dirais que ce n’est pas dans notre ADN. Même que je vous dirais que c’est tellement dans notre ADN que c’est pourquoi bien des gens ne vont pas au Stade Saputo.

Mais ça, c’est une autre histoire…