Il est la voix de l’Impact de Montréal depuis 25 ans. Si vous avez assisté à un match du club, que ce soit au Complexe sportif Claude-Robillard, au stade Saputo ou au Stade olympique – ou même au PEPS de l’Université Laval à Québec! – vous avez entendu l’annonceur-maison Robert Tanguay présenter l’alignement partant et les marqueurs du onze montréalais.
L’histoire d’un quart de siècle du club montréalais, il en a été témoin, il l’a même vécue. Survol d’une longue et belle carrière.
Les débuts
Robert Tanguay était annonceur depuis plus d’une décennie quand il s’est retrouvé affecté à des matchs de soccer – pour le FC Supra à l’époque, le foot professionnel montréalais ayant alors connu un nouveau départ en raison de l’entrée en scène de Frank Aliaga. Le bouche à oreille a alors fait son œuvre.
« Je ne le mentionnerai jamais assez, mais c’est grâce à Richard Émond, qui travaillait pour Baseball Québec dans le temps et qui avait son bureau au Stade olympique (que j’ai eu le poste), a raconté Tanguay. Et celui qui s’occupait des opérations de match du FC Supra, Christian Perreault de l’Agence Sans Frontières avait son bureau au Stade olympique lui aussi. »
Le deuxième a dit au premier qu’il cherchait un annonceur et Émond a fini par avancer le nom de Tanguay, en prévenant Perreault qu’il ne connaissait pas le soccer. Perreault a toutefois rencontré Tanguay et décidé de l’embaucher après 10 minutes d’entrevue.
« Je me suis retrouvé au Centre Claude-Robillard, avec les moyens du bord, a raconté Tanguay. J’avais une table pliante de deux par deux avec une chaise pliante à l’extérieur du stade (derrière une baie vitrée fermée, dans un couloir qui longeait le haut des gradins), le fil du micro qui passait par la porte et était branché plus loin… Un micmac. La ville ne voulait pas trop investir à l’époque, parce que personne ne savait si ça allait fonctionner. »
Le FC Supra n’a pas fonctionné très longtemps, effectivement, mais l’Impact a ensuite pris la relève grâce à Joey Saputo et à sa famille. Tanguay est resté au micro.
Toujours au rendez-vous
Tanguay a raté seulement trois matchs de l’Impact en 25 ans.
« Le premier, ç’a été après 22 années consécutives sans avoir manqué un match, a-t-il souligné. Il y a trois ans à peu près, on planifiait les vacances et comme ma femme m’a dit, ‘C’est bien beau mais là, j’aimerais ça qu’on parte dans ces semaines-là’, et ça adonnait que l’Impact jouait. »
Si Tanguay est à ce point fidèle au poste, c’est parce que sa famille y est pour beaucoup.
« Quand on veut faire de quoi dans la famille, la première chose qu’on fait, c’est de regarder le calendrier. L’Impact joue ou pas ? Non, OK. Ah, ils jouent, on le fait pas, a raconté Tanguay. Même les funérailles de mon père, au mois d’août l’année passée, on l’a fait le samedi parce que l’Impact jouait le dimanche. C’est la famille qui a insisté. »
La longue séquence de Tanguay aurait pu s’interrompre en 2001, quand l’Impact appartenait à Ionian et avait été mis en faillite en pleine saison. Les joueurs avaient alors dû consentir à des diminutions de salaire pour que le club poursuive sous la tutelle de la ligue, avec Joey Saputo comme mandataire, tandis qu’il n’y avait plus de budget pour les employés.
« Il restait six ou sept matchs à faire à Claude-Robillard, a rappelé Tanguay. Il y en a qui ont dit, si tu ne me paies pas, moi je m’en vais. Moi, j’ai dit, je reste. Je prends le risque. Je me suis dit qu’au pire, j’aurai fait ça bénévolement. »
C’est ce qui est effectivement arrivé, mais Tanguay n’a aucun regret. Car maintenant, Tanguay est au micro pour des foules de 15 000 personnes et plus à chaque match, dans une loge spécialement conçue pour ses besoins, dotée d’un équipement moderne. Que de chemin parcouru depuis sa table pliante de deux par deux!
Le meilleur : 2009
Des grands moments, Bob Tanguay en a vécu des tonnes. Le championnat qu’il a le plus savouré : celui de 2009, le troisième dans l’histoire du club.
« On était dans un nouveau stade (exprès pour le soccer) et Mauro (Biello) était un joueur bien établi, il était le capitaine, il était le king », a souligné Tanguay.
« On jouait contre Vancouver (en finale) et là, on mène, le match est quasiment fini et je suis dans la loge (de l’annonceur). Devant, dans la première rangée, Joey (Saputo) est assis là. Il est tout excité et il me regarde, il me fait un air comme s’il me demandait si on venait vraiment de gagner. C’est comme s’il ne réalisait pas ce qui venait d’arriver. Je lui ai dit, ouais, et le match est fini, vas-y, descends, il faut que tu ailles sur le terrain! Il me fait comme ‘non, non, je peux pas y aller’. Je lui réponds, comment ça tu peux pas, tu viens de gagner un championnat! Il me donne raison et là il part… Il est allé sur le terrain. »
Comme annonceur, Tanguay a également eu des frissons quand Cameron Porter a marqué son fameux but en Ligue des champions de la CONCACAF. Mais en fait, c’est à tous les matchs qu’il communie avec la foule, surtout depuis qu’au moment d’annoncer les buteurs, il ne fait que prononcer le prénom, laissant à la foule le soin de répondre avec le nom de famille… Ce qu’il fait, nous a-t-il révélé, à l’aide d’un « chef d’orchestre » officieux.
« Il y a un gars qui est assis en face de notre loge, je dirais à 50 pieds environ. Je ne pourrais pas te dire c’est qui, je ne lui ai jamais vu la face! Il est dos à moi et il ne sait pas que je suis derrière lui. Et lui, quand l’Impact marque un but, il est là, le bras en l’air, prêt (à dire le nom de famille). Et quand je dis ‘Nacho’, par exemple, il crie ‘Piatti’ et il lève le bras au ciel, prêt pour le moment où je vais dire ‘Nacho’ la deuxième fois. Il est comme mon repère. »
Une (rare) gaffe
La qualité de son boulot reste exemplaire, mais Tanguay raconte quand même de bon cœur la pire gaffe de sa carrière, qu’il a commise à l’occasion d’un match de saison régulière disputé en 1996 au PEPS de l’Université Laval à Québec.
« Onandi Lowe marque un but et j’entends sur le walkie-talkie, ‘Vas-y Bob, mets-en!’ Bin oui, mets-en, je sais quoi faire, que je me dis. Mais là, au lieu de dire Onandi Lowe, je dis Onando Lee. Avec coeur à part ça!
« Encore aujourd’hui, il faut que j’y pense avant de dire son nom! Et Martin Smith, qui était là pour le Journal de Montréal, à toutes les fois qu’il m’a croisé dans les années qui ont suivi, il m’a accueilli en s’exclamant, ‘ONANDO LEE’! »
C’était évidemment là une taquinerie bon enfant, puisque la faute, aussitôt faite, a aussitôt été pardonnée. Après tout, Bob Tanguay a fait du bon boulot durant les 25 années d’existence de l’Impact.
« Les gens me disent parfois que je fais du bon boulot, mais je ne suis pas tout seul à en faire, une bonne job, a-t-il souligné. Il y a une équipe derrière. Il y a les gens de la régie et sur le terrain, des gens qui me donnent l’info dont j’ai besoin. Il y a de l’ouvrage qui se fait avant et pendant que je dis un texte. »