Quand on fait des recherches historiques sur un sujet précis, souvent, on ne trouve pas ce qu’on cherche. À l’opposé, on trouve fréquemment ce qu’on ne cherche pas, la plupart du temps parce qu’on ne sait pas que ça existe. Parmi ces trouvailles, des faits divers ou autres anecdotes qui font sourire. En voici deux.
Le gardien et le garde
Nous sommes le 15 juin 1913. En milieu d’après-midi, les joueurs de St. Aidans et de Church of the Redeemer, deux équipes de Church League (la ligue des églises, que l’on pourrait qualifier de cinquième division à l’époque), montent sur le terrain pour amorcer leur match. L’arbitre donne le coup d’envoi et tout se passe comme prévu… du moins pendant quelques minutes. Un intrus fait alors irruption sur le terrain.
Un garde de la 3e batterie d’artillerie de campagne de Montréal s’immisce au milieu des joueurs, au grand désarroi de l’arbitre qui interrompt la partie pour tenter d’éclaircir la situation. Le garde, lui, n’est pas venu pour parlementer et poursuit son chemin jusqu’à Dawes, le gardien de but de St. Aidans. Comme ce dernier a omis de se présenter au camp d’entraînement de son unité à Trois-Rivières, le garde procède à son arrestation sur-le-champ. La foule, irritée, hue et insulte l’homme en uniforme.
Intervient alors l’arbitre, qui tente d’expliquer au garde que Dawes occupe un poste résolument essentiel au bon déroulement de la partie. Après quelques minutes de pourparlers, on en vient à un compromis : Dawes pourra jouer le match, mais sous la surveillance immédiate du garde, et sera arrêté immédiatement après, conduit chez lui pour récupérer son équipement et envoyé illico à Trois-Rivières pour rejoindre son unité.
Au terme de la rencontre, Dawes sera chaleureusement applaudi par la foule tandis que le garde l’escortera à sa sortie du terrain. Le garde, lui, sera une fois de plus chahuté.
Quand l’arbitre devient la cible
En se rendant à Saint-Henri le 22 juillet 1930 pour arbitrer le match de Coupe du Québec entre Turcot et Verdun Park, H.S. Russell ne s’attendait probablement pas à vivre une soirée aussi… compliquée.
En début de seconde mi-temps, Blair, de Turcot, assène un coup de poing à Bejschak, de Verdun Park. Comme l’incident a lieu le long de la ligne de touche et qu’aucune barrière n’est installée autour du terrain, les spectateurs sautent sur la pelouse pour participer aux débats. Au milieu du chaos qui prévaut, Russell expulse Blair, mais le joueur de Turcot n’entend pas à rire; il rétorque en frappant l’arbitre au visage. Quelques minutes plus tard, on parvient finalement à faire sortir Blair (et la foule) du terrain pour continuer le match.
Une situation litigieuse rallume toutefois les passions quelques minutes plus tard. Les joueurs de Turcot sont convaincus d’avoir marqué, mais Russell, visiblement peu impressionné par les débordements survenus quelques instants auparavant, refuse le but. Il n’en faut pas plus pour que la foule prenne une autre fois d’assaut le terrain de Turcot. On parvient de nouveau à calmer les ardeurs des spectateurs et à reprendre le match. Celui-ci se poursuit sans incident, mais dans une atmosphère électrique, et se termine sur une victoire sans appel de Verdun Park, par la marque de 0-4.
Toutefois, la soirée de H.S. Russell est encore loin d’être terminée. Au coup de sifflet final, la foule envahit une troisième fois le terrain, cette fois pour s’en prendre directement à l’arbitre. Russell devra se réfugier derrière des officiels et quelques joueurs de Verdun pour parvenir à rejoindre son vestiaire. Malheureusement pour lui, la foule, furieuse, n’a pas l’intention de se dissiper. Russell est coincé dans son vestiaire et devra y attendre de longues minutes avant d’en sortir.
Une fois la tension retombée, Russell croit pouvoir enfin rentrer chez lui, mais quelques spectateurs irrités sont toujours sur les lieux et le pourchassent dès sa sortie du vestiaire. Russell prend ses jambes à son cou, mais ce n’est pas suffisant : il saute alors sur un vélo pour finalement s’évader du terrain et disparaître dans les rues de Saint-Henri.