« Mauro Biello, premier marqueur de 50 buts à Montréal depuis Stéphane Richer. »
Voilà le concept que j’avais mis de l’avant dans une note que j’avais fait parvenir aux chroniqueurs de la scène sportive montréalaise.
On était au printemps 1999, l’Impact jouait alors au soccer en salle au Centre Molson (devenu le Centre Bell depuis) et j’étais alors le responsable des relations médias du club. Mauro Biello, l’éventuel meilleur marqueur dans l’histoire du onze montréalais au soccer à 11, venait d’atteindre le cap des 50 buts, en route vers une saison de 53 filets et 37 aides et le huitième rang des marqueurs dans la NPSL. Richer, lui, était le dernier à avoir inscrit 50 filets avec les Canadiens, en 1990.
Je ne me rappelle plus si je l’avais mentionné dans ma communication, mais que Biello devienne le premier marqueur de 50 buts dans l’amphithéâtre qui abritait aussi les Canadiens de Montréal était de la justice poétique puisqu’il avait les yeux de feu de Maurice Rocket Richard quand il était au cœur de l’action.
Quand j’ai envoyé la note, j’étais plutôt fier de moi. J’y voyais un moyen de percer la carapace des chroniqueurs sportifs montréalais, qui n’en avaient que pour le hockey (eh oui, c’est pas d’hier).
À cette époque, l’Impact ne recevait qu’une fraction de la couverture médiatique actuelle. Sauf exception, les journalistes ne couvraient que les matchs locaux, et là encore, pas à toutes les fois. Les reportages d’avant-match, entre autres, ça venait de moi. J’allais alors à un entraînement pendant la semaine, je recueillais les commentaires de l’entraîneur et d’un joueur, et je m’en tenais à des faits neutres et sobres (statistiques, séquences de victoires, joueurs à surveiller chez l’adversaire, etc.). Ça donnait des textes à saveur journalistique qui se retrouvaient dans La Presse et le Journal de Montréal.
Cela assurait au club un minimum syndical au chapitre de la couverture. C’était rare qu’on allait au-delà de ça, sauf quand un Martin Smith, par exemple, accompagnait l’équipe sur la route pour quelques matchs.
Réjean Tremblay, alors à La Presse, ou Bertrand Raymond, du Journal de Montréal? Jamais un mot, ou presque. Il y a bien eu la fois où Réjean est venu au Centre Molson, la première saison, en 1997-98. Mais la dernière ‘vraie’ fois où les chroniqueurs dans leur ensemble s’étaient attardés au soccer pro dans leur ville, ç’avait été quand l’Impact s’était rendu en finale de championnat de la A-League en 1994, pendant que le hockey et le baseball (les Expos étaient encore parmi nous) étaient en arrêt de travail, et qu’il y avait donc un vide à combler au plan du contenu.
Ainsi donc, quand Mauro a marqué son 50e but, j’étais un homme heureux, parce que j’avais de quoi accrocher leur attention. Je me disais que s’ils continuaient d’ignorer l’Impact, c’était vraiment de la mauvaise foi.
Quand j’étais aux relations médias de l’Impact, la première chose que je faisais le matin, c’était d’aller chercher La Presse, le Journal de Montréal et The Gazette sur mon balcon pour ensuite m’asseoir à la table de cuisine et éplucher les sections sportives. D’habitude, c’était pour voir si mon communiqué de la veille avait ‘passé’, ou pour lire ce que Ronald King, Martin Smith et Randy Phillips avaient écrit sur le match de la veille.
J’étais toujours un petit peu nerveux puisqu’il n’y avait jamais de garantie que mon texte sur l’Impact y serait, puisqu’il était sujet à tout moment d’être ‘bumpé’ par des actualités jugées plus importantes.
Après avoir écrit aux chroniqueurs à propos de Biello, cette nervosité était bien plus prononcée. Allaient-ils mordre à l’hameçon? Et si oui, comment traiteraient-ils la nouvelle? La publieraient-ils, mais seulement pour mieux planter le soccer, comme ç’a souvent été le cas par le passé – Georges Schwartz pourrait vous en raconter des vertes et des pas mûres là-dessus –, ou trouveraient-ils le tout sympathique?
Les jours ont passé et mon effort a commencé à tomber dans l’oubli. Jusqu’au jour où…
La chronique de Bertrand Raymond. Pas son texte principal, mais l’encadré. Le chevronné chroniqueur commence par les fleurs en me remerciant pour mon petit mot gentil soulignant les 50 buts de Mauro…
Puis le pot.
Je ne me souviens pas du reste du texte mot à mot. Mais, grosso modo, a suivi un énorme « oui mais ». Oui mais, a-t-il écrit, quand je pense à Mauro Biello, je ne peux m’empêcher de penser au joueur qui a demandé la tête de l’entraîneur Valerio Gazzola après la saison 1997 de soccer extérieur. Bref, le chroniqueur n’a pas planté le soccer, mais il a planté Mauro.
Il faut savoir qu’en 1994, quand l’Impact a fait la finale de championnat, Bertrand Raymond avait couvert l’équipe en masse. Il s’était alors entiché de Gazzola, et avec raison d’ailleurs, car Valerio est un de ces coachs dont la passion pour le foot est si intense qu’on ne peut s’empêcher d’être sympathique à sa cause.
Donc, quand Gazzola a été remercié après la saison 1997, à la suite de la sortie publique de Biello, M. Raymond n’avait pas couvert l’équipe cette année-là, mais il avait pris des notes sur le triste sort qu’on avait réservé à son ami Valerio, à qui il était resté fidèle.
Évidemment, quand j’ai lu son texte où il plantait Mauro, mon cœur m’est tombé dans l’estomac. Finalement, me suis-je dit, ç’aurait été mieux que Biello continue dans l’indifférence…
Je ne me rappelle plus si j’ai présenté mes excuses à Mauro, ou si j’avais été trop embarrassé pour le faire. Toujours est-il qu’il ne me l’a jamais reproché. Il a continué d’être aussi gentil avec moi qu’il l’avait toujours été, toujours aussi disponible quand venait le temps de répondre aux demandes des médias que je lui transmettais.
Pour cela, je l’en remercie. Et c’est pourquoi je lui serai toujours fidèle. Même si j’apprécie Valerio tout autant.