L’équipe réserve du FC Barcelone vise à assurer son maintien en Liga 2. Au Miniestadi de Barcelone, les choses ne se déroulent pas comme l’entraîneur Gerard López le voudrait. Alcorcón mène 0-1 tard dans le match, et Lopez doit dynamiser son attaque. À la 81e minute, il enlève Christian Rivera du terrain pour y faire monter Ballou Jean-Yves Tabla. Le jeune talent fraîchement débarqué de Montréal se met immédiatement au boulot : il provoque les fautes grâce à sa rapidité d’exécution, connecte bien avec ses coéquipiers et fait reculer la défense avec ses passements de jambes endiablés. Les joueurs d’Alcorcón doivent parfois s’y mettre à quatre pour freiner Ballou. Le jeune joueur est clairement dans son élément.
Alors qu’il suivait sa formation à l’académie de l’Impact de Montréal, Ballou pouvait voir, affiché près de la porte du vestiaire de son équipe à la Caserne, le nombre de mètres le séparant du vestiaire de l’équipe première. Aujourd’hui, quelques mois plus tard, il est à quelques enjambées du vestiaire dans lequel se changent Andrés Iniesta, Luis Suárez et Lionel Messi, dans l’antichambre d’un des plus grands clubs de la planète. Une destination normale, voire évidente, pour un joueur de si grand talent.
Car ce talent, il était connu de tous à Montréal, et de bon nombre de personnes au-delà des frontières du Canada, depuis belle lurette. Pourtant, les supporters de l’Impact de Montréal n’auront eu droit, en tout et pour tout, qu’à un échantillon de 1 351 minutes de Ballou sous le maillot bleu-blanc-noir en matchs officiels, toutes compétitions confondues. Uniquement 1 351 minutes, en 24 matchs et 13 titularisations. Pourquoi?
Le développement de Ballou a pourtant été anticipé. Souvent, au long de son parcours chez les jeunes, le jeune a été surclassé dans les catégories d’âge. Mais quand est venu le temps de faire de même à l’approche de l’échelon ultime, la machine a soudainement ralenti, sans raison.
Lors de son second passage à l’académie de l’Impact de Montréal amorcé en 2013, Ballou finit par intégrer le FC Montréal, équipe réserve de l’Impact de Montréal, en 2015, à l’âge de 16 ans. Une statistique toutefois un peu faussée, puisqu’étant né en mars et ayant signé son contrat en novembre 2015, Ballou ne foulera les pelouses de USL qu’à l’âge de 17 ans. À l’époque, Philippe Eulaffroy, alors entraîneur-chef du FC Montréal, déclare à propos de Ballou que : « C’est un profil de joueur très précieux parce qu’on n’en trouve pas beaucoup. C’est aussi un joueur qui a soif d’apprendre, qui apprend vite et qui a la tête à la bonne place. Un joueur de cet âge-là qui intègre l’effectif du FC Montréal a encore plus de temps pour progresser et l’amener à exploiter tout son potentiel. » Si les deux premières affirmations étaient vraies, la troisième, elle, était fausse, car le temps de Ballou à Montréal était compté et tout le monde le savait… ou aurait dû le savoir.
Pour comprendre pourquoi, il faut savoir deux choses. La première est une évidence : Ballou avait le talent pour jouer avec les plus grands en Europe, le savait et en rêvait depuis toujours. La seconde est plus technique : Ballou, Canadien d’origine ivoirienne, ne pouvait pas jouer en Europe avant ses 18 ans. Les règles de la FIFA concernant les transferts de joueurs mineurs stipulent clairement que « le transfert international d’un joueur n’est autorisé que si le joueur est âgé d’au moins 18 ans. » Ballou n’ayant pas de passeport européen, impossible de profiter de la dérogation prévue pour les joueurs faisant partie de l’Union Européenne, qui peuvent être transférés à compter de 16 ans. Ainsi, bien que plusieurs clubs d’envergure (Manchester United, Arsenal, Chelsea) aient été sur la piste de Ballou dès 2016, notamment en raison de son exceptionnelle performance contre l’Angleterre avec la sélection U20 du Canada au début de 2016, aucun d’entre eux ne pouvait bouger avant le 18e anniversaire du joueur. Un joueur intéressé à monter plus haut et des clubs intéressés à l’accueillir, le tout stoppé par un règlement qui repousse le tout à ses 18 ans? Cela laissait donc présager sans aucun doute que l’été de 2017, ou dans le pire des cas l’hiver 2017-2018, sentirait fort l’offre de transfert, voire le départ du jeune prodige. Comme c’est le cas pour de nombreux jeunes talents hors Europe.
Toutefois, malgré le talent exceptionnel du jeune joueur et l’intérêt marqué de plusieurs clubs de renom, c’est seulement après une demi-saison en USL et une prestation éclatante en match amical face à l’AS Roma en août 2016 que l’état-major de l’équipe première de l’Impact semble placer Ballou dans ses priorités. Et encore, pas tout de suite, puisqu’on lui préfère David Choinière pour intégrer l’effectif pro au cours de la saison 2016… Une décision absolument incompréhensible à l’époque et qui l’est encore aujourd’hui.
Pourtant, Ballou était déjà en retard sur le parcours qu’il aurait normalement dû suivre au sein du club montréalais. Tout allait relativement bien jusqu’à son arrivée aux portes du chapitre professionnel du club en 2015. Le développement suivait son cours et tout indiquait que sauf catastrophe, il jouerait ses premières minutes en Major League Soccer en 2016, à l’âge de 17 ans, ce qui aurait déjà été un peu tard, mais pas complètement perdu. Toutefois, à partir de là, la machine a ralenti, voire stoppé, de façon inexpliquée; Ballou s’est alors retrouvé avec le FC Montréal, où il a passé toute la saison 2016, saison qu’il aurait dû idéalement amorcer en MLS. Son arrivée chez les pros surviendra finalement… l’année de ses 18 ans. On a décidé qu’il n’y avait pas de place pour lui chez les pros avant ça. Il ne présentait pas de garanties? Mais Lucas Ontivero et Michael Salazar pas davantage. Et pourtant, ils lui ont été préférés…
Si Ballou a suivi un parcours relativement normal chez les jeunes, il apparaît évident qu’aucun plan n’était en place pour l’intégrer à l’équipe première, qu’aucun horizon n’avait été fixé, qu’un talent exceptionnel a été traité comme s’il s’agissait d’un jeune comme les autres. Au final, on peut dire que l’Impact a raté son rendez-vous avec le tout premier produit de haut calibre de son académie. Il ne reste qu’à espérer que Ballou connaisse une grande carrière, et que l’Impact retienne la leçon et arrive à l’heure lors du prochain rendez-vous…
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