Avant Ballou, il y a eu Limo

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Le transfert de Ballou Jean-Yves Tabla au FC Barcelone a frappé l’imagination et pour cause. Mais 30 ans plus tôt, ç’avait également fait beaucoup de bruit quand le Québécois d’origine grecque John Limniatis était devenu, à l’âge de 20 ans, le premier joueur de soccer canadien à être vendu à un club de première division en Europe.

À l’époque, l’Intrépide d’Ottawa, club de la Ligue canadienne de soccer, avait cédé ses droits sur Limniatis à l’Aris Thessaloniki FC, club qui évoluait en Grèce, pour la coquette somme de… 50 000 $.

« C’était quand même pas mal comme montant à l’époque. Ottawa a fait un bon bout de chemin avec cet argent-là ! », a lancé Limniatis en entrevue avec Rétrosoccer.

Il faut dire que les équipes de la LCS, Ottawa notamment, avaient des budgets d’opération plutôt modestes à l’époque. Dans les six chiffres, mais à peine. Limniatis, à sa deuxième saison avec l’Intrépide, allait d’ailleurs empocher un salaire de 16 000 $. L’année précédente, il avait eu droit à 8000 $.

Avec Aris, Limniatis a signé un contrat de trois ans pour un montant global de 200 000 $, un salaire de base auquel se sont ajoutées les primes de match (plutôt généreuses, a indiqué Limniatis), l’allocation pour les dépenses (environ 1000 $ par mois) et un logement fourni.

« Ç’a été le transfert le plus dispendieux d’Aris cette année-là », a par ailleurs noté Limniatis, qui était tout aussi enchanté d’aller jouer en Grèce, pays où il est né avant d’arriver au Québec à l’âge de 10 ans, que Ballou Tabla l’était d’aller à Barcelone.

« À l’époque, il y avait des joueurs (canadiens et québécois) qui jouaient en Europe ou y avaient joué, mais ils avaient décroché des postes à la suite d’un essai (en tant que joueurs libres) », a fait remarquer celui qui a évolué avec les clubs de N.D.G. et de Concordia à Montréal dans les rangs juvéniles, puis avec les Lavallois dans la LNSQ semi-professionnelle en 1986 avant d’aller à Ottawa l’année suivante, faute d’équipe de la LCS au Québec (le Supra de Montréal n’est arrivé qu’en 1988).

Astres alignés

Le transfert de Limniatis est attribuable à un heureux concours de circonstances. Alors qu’il avait fait ses débuts avec la sélection nationale canadienne l’automne précédent, il a eu droit à sa neuvième sélection en carrière à l’occasion d’un match international du Canada contre la Grèce au Complexe sportif Claude-Robillard à Montréal, le 19 mai 1988 (défaite de 0-1). Limniatis a ensuite porté le maillot rouge à l’occasion de la Coupe Sir Stanley-Matthews, tournoi à trois équipes disputé à Toronto dans les jours qui ont suivi ; dans cette compétition, le Canada et la Grèce se sont affrontés lors du premier match (le 21 mai, défaite de 0-3), puis encore en finale (le 28 mai, victoire du Canada aux tirs au but après une nulle de 0-0).

« Moi, ce que je ne savais pas, c’est que pendant tout ce temps-là, il y avait des journalistes de la Grèce qui accompagnaient l’équipe grecque et qui ont écrit des articles sur le fait qu’il y avait un jeune Grec (Limniatis) qui jouait avec le Canada. Il y avait aussi l’entraîneur de l’équipe d’Aris à l’époque qui était sur place, et qui m’a donc vu jouer », a raconté Limniatis, en faisant allusion à Alketas Panagoulias, qui a dirigé Aris de 1987 à 1990 ; celui-ci avait auparavant été à la barre de la sélection grecque dans les années 1970 (et aussi dans les années 1990) et de la sélection américaine au milieu des années 1980 , ainsi que du club Olympiakos dans les années 1980.

« Dans la semaine après le tournoi, j’ai reçu l’appel de quatre ou cinq équipes, qui s’intéressaient à moi. Aris a montré plus de sérieux que les autres. (Panagoulias) a parlé de moi à l’exécutif du club et Aris a envoyé quelqu’un du club pour venir me rencontrer ici, pour rencontrer mes parents, pour apprendre à me connaître sur le plan personnel.

« L’autre club sérieux, ç’a été AEK (d’Athènes), une des grandes équipes en Grèce. Mais eux, ils ont surtout parlé d’argent. Et ils ont simplement demandé à quelqu’un qui était déjà à Montréal d’être leur représentant et de discuter avec moi.

« Pendant ce temps-là, moi, je n’avais aucune aide. Je connaissais le championnat grec, mais juste en général. Et ce que je ne savais pas, c’est que dans les nombreux journaux sportifs en Grèce, on parlait de moi. J’avais de la famille là-bas, mais ils n’étaient pas vraiment familiers avec le sport, alors ils n’étaient pas en mesure de me donner beaucoup de détails. Éventuellement, j’ai fini par savoir qu’il y avait eu une petite bataille (entre Aris et AEK) à savoir qui allait me faire signer un contrat.

« En bout de ligne, même si AEK m’a offert plus d’argent, j’ai décidé d’y aller avec Aris. C’est avec eux que je me sentais le plus à l’aise. »

La nouvelle a été soulignée au Canada, pas seulement en Grèce, alors que Limniatis a notamment fait l’objet d’un long reportage à la une du cahier des sports du journal montréalais The Gazette.

Limniatis a joué en Grèce jusqu’en 1993, d’abord avec Aris, puis avec Panetolikos. A alors suivi son retour au bercail à Montréal, avec l’Impact.

Mais ça, comme on dit, c’est une autre histoire.