Malgré les jeux de coulisses du président de la FIFA Joao Havelange aux dépens du Canada, tels que racontés dans la première partie de ce reportage, la candidature canadienne en vue de la Coupe du monde de 1986 en a valu la peine, selon Georges Schwartz.
Comme on l’a expliqué en première partie, le Canada n’a jamais eu la moindre chance d’être choisi pour organiser la Coupe du monde de 1986. Havelange avait décidé que ce serait le Mexique et tout le processus de candidatures qui a suivi, et qui impliquait aussi les États-Unis, n’a été que fumisterie.
Une fumisterie qui était toutefois nécessaire, comme l’a souligné Schwartz à Rétrosoccer.
« Havelange avait besoin de nous, a affirmé Schwartz en parlant de la candidature canadienne. Parce que si tout le monde avait abandonné tout de suite et laissé le Mexique (seul), (Havelange) aurait fait très mauvaise figure. Nous, on apportait quelque chose qui lui permettait de dire, ‘Regardez, on a fait ça correctement’. »
Même si Jacques Ferran, un journaliste du quotidien sportif L’Équipe proche de Havelange, l’avait prévenu dès le début que c’est le Mexique qui serait choisi pour organiser la CM 1986 à la suite du désistement de la Colombie, Schwartz a continué de croire en ses chances et a tout tenté pour essayer de changer le cours des choses. Car il estimait qu’il avait de bons arguments pour faire fondre les préjugés des membres du comité exécutif de la FIFA – à qui, croyait-il, revenait la décision.
« J’ai fait pratiquement le tour du monde durant la campagne de candidature », a noté Schwartz, qui était président de la candidature canadienne, tandis que Walter Sieber en était le coordonnateur. « J’ai rencontré beaucoup de gens, il y en a plusieurs qui m’ont dit qu’ils voteraient pour notre candidature.
« Ce que je leur offrais, c’est l’Amérique du Nord. Je leur ai exposé la situation géographique du Canada en leur disant, regardez tous les habitants qui se trouvent le long de la frontière, si vous tracez une ligne à 300 ou 400 km au sud des États-Unis, il y a une population là avec les principales grandes villes du pays, à peu près 200 millions d’habitants tout près de nous. C’est sûr qu’ils vont venir pour une Coupe du monde qui se trouve à deux heures de voiture de chez eux. C’était ça, mon argument de vente. Je pensais à l’époque que ça permettrait de gagner des appuis à droite et à gauche. »
Ces appuis sont éventuellement venus… quand la FIFA a décidé d’accorder l’organisation de la Coupe du monde de 1994 aux États-Unis. Les prévisions de Schwartz allaient alors s’avérer exactes puisque le tournoi a été un énorme succès populaire, mais c’est le soccer américain, et non canadien, qui en a profité.
Quand même des gains
Schwartz a beau avoir son perdu son pari, il n’est pas revenu bredouille. La candidature canadienne pour la CM de 1986, qui a battu son plein dans les médias québécois au début des années 1980, a permis au soccer canadien de faire quelques avancées, estime-t-il.
« La première, c’est que j’ai demandé qu’on libère la télévision nord-américaine des mains de Televisa au Mexique, a indiqué Schwartz. C’est Televisa qui faisait alors la présentation des matchs en circuit fermé aux États-Unis et chez nous. Ils demandaient des fortunes pour que les grands réseaux américains ou canadiens puissent retransmettre la Coupe du monde. Havelange et Blatter ont dit bon, d’accord. C’est ce qui a permis la télédiffusion de la Coupe du monde à Radio-Canada (en 1982) et sur les réseaux américains.
« L’autre chose que j’avais demandée, c’est de changer le format des qualifications pour la Coupe du monde. Jusque-là, le format, ç’avait toujours été que le tournoi final de la CONCACAF se déroulait (entièrement) dans un pays en particulier. J’ai demandé qu’on fasse plutôt des matchs aller-retour, comme en Europe et en Afrique. »
Et comme de fait, le Canada a su tirer profit de l’avantage du terrain lors d’un match retour contre le Honduras (par temps frisquet à Saint-Jean, Terre-Neuve) pour se qualifier pour la Coupe du monde de 1986. Ainsi, donc, le Canada a quand même participé au Mondial cette année-là, en passant par la grande porte en plus.